Le Nefzaoua est le pays des grandes tribus nomades sahariennes. Douz est le centre d'approvisionnement des nomades et toutes les semaines s'y tient un marché de vente de dromadaires. C'est aussi là que se déroule au mois de décembre le Festival du Sahara, la manifestation qui réunit toutes les tribus de la région avec de nombreuses fêtes : courses de chevaux, de lévriers, fantasias, danses, ... Nous n'avons pas la chance de voir tout cela, juste une petite ville endormie située au bord du désert qui prend ici des couleurs plus blanches et rosées qu'à Ksar Ghilane.
L'ancien village de Zaafrane a été englouti par l'avancée inexorable du désert.
La route qui mène vers Sabria est parfois recouverte de sable. C'est ici une lutte sans fin entre les hommes et le désert.
En pénétrant dans Sabria, un habitant nous demande de ralentir. Ali nous demande si nous voulons visiter une maison. Comme il est très sympathique, nous acceptons et nous nous retrouvons aussitôt assis sur une petite banquette dans une pièce presque vide. Son père, affalé par terre regarde en direction du seul meuble, une télé qui diffuse des informations en langue arabe.
Ali, qui parle un français impeccable et qui est bien mis, nous indique qu'il est guide et qu'il accompagne des groupes qui souhaitent visiter le désert. Il a 36 ans, il est célibataire mais espère trouver une femme, et si possible française. Il a bien été fiancé avec une tunisienne mais celle-ci l'a laissé tomber ... Il aurait plus d'affinité avec une occidentale pense-t-il. Pendant ses randonnées dans le Grand Erg, il a bien eu quelques aventures avec des touristes mais sans lendemain car notre homme ne veut pas détruire les couples. Il est en verve de confidences et va tout d'un coup chercher une petite table et un sac d'où il sort un ordinateur portable que lui a laissé une de ses conquêtes étrangères. Je suis stupéfait de voir qu'Ali Nomade (c'est son nom de code !) qui habite au fin fond de la Tunisie, loin de tout dans son petit village à moitié ensablé, se connecte en deux temps trois mouvements à Internet grâce à son téléphone portable, ouvre son compte Facebook, me demande le mien; et nous voici en train de regarder les photos de Lola, Sacha et Rafaël depuis ce lieu improbable. Encore une manifestation du "village global". Mais, ce n'est pas tout; il a aussi un site de promotion commerciale de son affaire. Là j'ai oublié l'adresse, mais voici celui d'un de ses collègues de Sabria par exemple : Randonnées chamelières dans le Sahara tunisien.
L'heure du déjeuner approche et la mère d'Ali nous sert un bon couscous.
Et pour une fois, il faut se faire prier pour laisser un petit billet en partant ! Ali nous laisse son numéro de portable pour le cas où nous aurions des problèmes sur la route du Chott El Djerid. Quelle rencontre étonnante et intéressante !
Aux environs d'El Faouar, le désert est de plus en plus envahissant.
Nous avons lu dans le guide que l'oasis de Nouail produit les meilleurs dattes deglet nour de la région. Alors, nous nous arrêtons chez un petit épicier. Il n'a pas de dattes, mais qu'à cela ne tienne, sa mère qui habite à quelques pas de là en a peut-être. Celle-ci est en train de tisser dans la cour. Elle nous fait une petite démonstration et nous offre une boite de dattes bien sèches qu'elle conserve dans son frigo. Elles sont loin d'être excellentes mais c'est le geste qui compte ! Encore et toujours un accueil généreux.
Puis, c'est la traversée du Chott El Djerid, l'immense mer de sel (110 kilomètres de long sur 65 kilomètres de large). En fait, seule une petite partie reste immergée, le reste étant composé de boues chargées de sel, plus ou moins sèches.
Un mirage
Une route surélevée parcourt les 60 kilomètres qui séparent les 2 rives du Chott, entre Oum Somâa et El Mahassen.
Couleurs bleu - blanc - rouge
De petits débits de boisson et des marchands de souvenirs sont installés le long de la route. Celui-ci dispose de WC - pardon de chiottes puisqu'il maîtrise parfaitement l'argot français - confortables. Voire ...
De l'autre côté du Chott, la ville de Tozeur (50 000 habitants) et son immense palmeraie de 400 000 palmiers !
Vue depuis le Belvédère
Visite de la palmeraie dans une carriole tirée par une petite jument. Il lui faut du courage pour trotter allègrement sous un soleil de plomb.
Contrairement à celle de Ksar Ghilane, la palmeraie de Tozeur est cultivée sur 3 étages : sous les palmiers dattiers sont plantés des orangers, des grenadiers, des bananiers, des figuiers, de la vigne, et au sol on récolte tomates, poivrons, oignons, menthe, ... Toute l'eau puisée dans les 200 sources de l'oasis est bien utilisée.
C'est Ibn Chabbat, un savant du XIIIème Siècle, qui a conçu le plan d'irrigation encore en vigueur.
Tozeur est devenue depuis peu une sorte de "petit Marrakech". Des Européens fortunés viennent y rénover de belles propriétés nichées dans la verdure de la palmeraie et protégées par de lourdes portes cloutées. Un investissement pour MAM peut-être ?
Les bâtiments sont ici construits en briques de couleur claire, avec de jolis motifs géométriques.
Les souks. Un marchand possède un petit fennec (renard du désert) en laisse.
Un poste d'essence plutôt rudimentaire
Dans la vieille ville, le très beau Hoch Bel Abbes (Maison Antique) aménagé en café maure.
Le patron nous tend plusieurs classeurs qui regroupent des coupures de presse relatant la Révolution de Jasmin. Lorsque je découvre celles qui évoquent le rôle de Michèle Alliot-Marie, notre maire de Saint-Jean de Luz, venue proposer les services de la France pour maintenir l'ordre contre les manifestants de la liberté dont plusieurs dizaines avaient déjà été massacrés, j'ai comme un moment de honte et je ne me sens pas de faire un commentaire lorsque nous quittons l'établissement. Il y a des moments où la discrétion s'impose ... Pourtant les Tunisiens n'en veulent pas aux Français ! Juste un peu à Sarkozy ...
Nefta n'est quà 25 kilomètres de Tozeur. Là aussi, une belle palmeraie située derrière la Corbeille. Les petits jardins rectangulaires sont délimités par des haies de palmes séchées.
En se rapprochant de l'Algérie dont nous ne sommes plus qu'à 10 kilomètres, un lieu appelé simplement "les Dunes" permet de jouir d'un beau paysage de dunes mouttonnantes dominant un paysage de désert à perte de vue. Notre plaisir est cependant gâché par un groupe de jeunes filles qui pratiquent un véritable harcèlement pour nous vendre quelques babioles ... Michèle s'énerve ... en vain.
Le marabout de Sidi Bou Ali est niché au milieu de la palmeraie de Nafta. Le saint patron de Nefta, venu du Maroc combattre les doctrines schismatiques, vécut ici au XIIIème Siècle et y est enterré, ce qui fait que ce marabout est un lieu saint en Tunisie. Nous pénétrons dans le couloir de l'édifice sans prendre connaissance d'un écriteau placé à l'entrée qui indique que le lieu est interdit aux non-musulmans. Un homme d'âge moyen dont la machoire supérieure ne compte qu'une dent nous aborde et nous le rappelle calmement mais fermement. C'est le responsable des lieux semble-t-il. La conversation s'engage avec lui sur la fonction de ce marabout, sur la tolérance. Dans une ambiance bon enfant, des femmes nous distribuent ainsi qu'aux fidèles du pain avec une merguez, des fruits. Une jeune fille téléphone avec son portable dans la cour du marabout. Difficile d'imaginer qu'on en fasse autant à l'intérieur d'un cloître en activité ... Notre homme qui s'exprime parfaitement en français parle doucement et entreprend de dégager ce qu'il ressent de nos personalités à Michèle et à moi. Michèle "n'a pas de limites" quand elle pose des questions; quant à moi, "je cherche à comprendre l'autre" sans montrer d'adhésion. Il possède un certain sens de l'observation même si cela reste très superficiel, en si peu de temps. Nous voyant intéressés par la conversation et voulant montrer que son islam est ouvert, il nous donne son accord pour que nous pénétrions dans le saint des saints !
Au moment de partir, voulant redoubler d'arguments en faveur d'un islam tolérant, il nous dit que Jésus Christ est un prophète que reconnaissent les musulmans. Mais, lorsque nous évoquons l'existence d'intégristes dans toutes les religions et aussi Ben Laden et le 11 septembre, il défend ce dernier en disant que les Etats-Unis avaient pour plan de s'attaquer aux musulmans; Ben Laden n'a fait que défendre l'islam attaqué. Nous lui disons qu'il existe des non-croyants qui peuvent faire le bien, alors, là, il est interloqué ! Pour lui, l'athée est sans foi (évidemment) ni loi. Et le matérialisme doit être combattu parce qu'il est le mal absolu ... Nous ne serons jamais d'accord ! Mais merci pour cette demi-heure de philosophie et merci pour la confiance accordée en acceptant de nous faire rentrer dans ce lieu saint.
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