Tataouine. Ce seul nom évoque l'enfer que devaient subir les soldats récalcitrants envoyés jadis au bagne militaire casser des cailloux sous un ciel de plomb. Le bagne a été fermé en 1938 mais il existe toujours à Tataouine un poste important de l'armée. C'est que la ville contrôle l'accès du Grand Sud tunisien et en particulier des routes et pistes se dirigeant vers les déserts algérien et libyen. En cette période où les armes de Kadhafi ont été récupérées par nombre de groupes islamistes de la région (dont AQMI - Al Qaida Maghreb Islamique), il n'est pas prudent ni raisonnable d'aller au delà. D'ailleurs, il faudrait pour le faire une autorisation spéciale que nous n'avons pas. Et puis, il y a tant à voir non loin de Tataouine.
La région est très aride, et cependant on y trouve des palmiers à dattes, du blé un peu malingre cultivé dans les fonds de vallées où on construit des petits barrages pour conserver le plus longtemps possible l'eau des très rares précipitations, et quelques troupeaux de chèvres. Michèle essaie bien de se procurer du lait de chèvre mais il faudrait se trouver sur place très tôt le matin ...
La curiosité de la région, ce sont les ksour (pluriel de "ksar" qui veut dire village fortifié) qui ont été construits par les Berbères pour se protéger des attaques nomades. Accrochés au sommet des montagnes, ils permettaient de voir venir les éventuels pilleurs et de leur résister. Douiret est un ksar maintenant abandonné, mais en cours de restauration.
Les ouvriers chargés de la restauration sont en train de faire la pause. Ils nous offrent du thé à la menthe et Michèle leur offre quelques biscuits que nous avons pris à l'hôtel. Mais l'échange reste limité parce que peu d'entre eux parlent français. Les plus jeunes incitent les plus âgés à accepter la proposition de Michèle de les photographier, mais ils refuseront de lever la tête.
Dans chaque ksar, on trouve des ghorfas, des greniers à l'architecture arrondie qui permettaient de mettre à l'abri les denrées alimentaires comme les grains et l'huile d'olive.
La mosquée souterraine
Dans une petite grotte creusée dans la roche, un dromadaire entraîne une grosse meule de pierre qui écrase des olives. C'est comme ça que se fait la "première pression à froid" à l'ancienne et, à la goûter, l'huile ainsi produite n'est pas mauvaise du tout.
Chenini est sans doute le ksar le plus connu si on se fie au nombre de touristes qui le visitent. Pour une fois, nous en rencontrons quelques uns échappés d'un bus sans doute venu de Djerba. Le touriste est ici accueilli dès son arrivée dans le village. Un guide local nous prend en charge et nous fait visiter le site qui est vraiment magnifique. Ascencion dans le village qui compte de très nombreux ghorfas. Au sommet, près de la mosquée blanche, on jouit d'une vue somptueuse sur toute la région. Notre guide en fait beaucoup dans la flatterie et dans l'empressement, espérant sans doute nous être agréable et ainsi recevoir un meilleur pourboire. A l'en croire, tous les membres de sa famille seraient gravement malades et il serait leur seul soutien financier. Sa situation n'est sans doute pas des meilleures mais Chenini est sûrement le village le plus touristique de la région et en tant qe guide, il ne doit pas beaucoup chômer ici. Au moment de le quitter, et lorsque nous nous acquittons des 20 dinars (10 euros) sur lesquels nous nous sommes mis d'accord pour sa prestation, il nous demande une rallonge "pour nourrir ses enfants". Je décline, un peu fatigué par son attitude.
Trosième arrêt non loin de là, à Guermessa. Personne dans ce ksar qui a été abandonné à la suite des inondations de 1969 qui ont ravagé la région. Il ne peut pas beaucoup ici mais quand ça tombe, c'est pour de bon ... Le village est construit tout autour d'un petit col qu'il faut monter à pied, sous la cagnasse.
Ghomrassen est un petit bourg construit tout en long au fond d'une vallée encaissée. Contrairement à Chenini, l'endroit n'est pas touristique et c'est après avoir tourné plusieurs fois dans la rue principale que nous tombons sur une falaise creusée de grottes aménagées précédées de ghorfas abandonnés.
C'est en regardant les cartes postales du coin que je vois quelques photos de Ksar Ouled Soltane . Le site n'est pas mentionné dans notre guide. Une lacune ! Car cet ensemble est absolument magnifique. Les ghorfas à étages ont été habilement restaurés par une association locale de sauvegarde et sont spectaculaires.
De plus, des peintres amateurs proposent de très belles aquarelles pour un prix dérisoire. Nous en achetons une qui nous est spécialement dédicacée en arabe. L'auteur est, aux dires de ses collègues, le meilleur calligraphe du coin. Nos aquarellistes sont très respectueux les uns des autres ("chacun a son style") et très accueillants; un de ceux auquel nous n'avons pourtant rien acheté nous propose un verre de thé à la menthe. Ca nous change du guide de Chenini. Pourtant ceux-là, à l'écart des circuits touristiques, voient bien peu de monde et sont sans doute plus nécessiteux ...
Pour Michèle et Alain , 24 mai 2012, ...
Retour à notre hôtel situé en rase campagne, à 8 kilomètres de Tataouine.
Le repas du soir nous est offert car, nous dit-on, il va y avoir des travaux qui risquent d'être bruyants. Effectivement, pendant le repas, une ponceuse se met en route et décape le sol de la réception. Nous partageons notre dîner avec un seul autre client, un visiteur médical de Tunis venu vendre ses médicaments aux hôpitaux de la région. Il est un peu hâbleur et parle fort des évènements politiques qui agitent la Tunisie. C'est un partisan de la laïcité hostile aux "barbus", défenseur de Bourguiba "pour qui l'éducation et la santé étaient les priorités avant l'armée". Et pour montre de ses convictions, il lève devant le serveur impavide son verre de bière. Il proclame que les islamistes au pouvoir perdront sûrement les prochaines élections quand les Tunisiens s'apercevront qu'ils sont incapables de régler les problèmes de la société. Est-ce si sûr ?
Nous avons l'explication de l'empressement avec lequel la direction de l'hôtel fait procéder de nuit au nettoyage de l'entrée : on nous confie que le Président de la République assistera ici même à une réunion consacrée à la politique économique. La crise nous poursuit décidément partout ...
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