jeudi 6 octobre 2011

Pays Baltes-3 : Tallinn (17 septembre 2011)

En nous proposant ce matin d'aller voir un supermarché, Kiira a une petite idée en tête, que nous nous rendions compte du coût de la vie en Estonie. Nous arpentons donc les rayons du Casino du coin; c'est d'ailleurs plutôt un Petit Casino car sa taille est assez réduite, en comparaison de ce que nous connaissons. Il est bien achalandé et ressemble en tous points à une supérette française. Les prix sont du même ordre que ceux pratiqués chez nous, peut-être un peu moins élevés (20% ?). Nous avions d'ailleurs déjà vu que le prix de l'essence était sensiblement le même que le nôtre. Comme nous lui en faisons la remarque, Kiira semble s'en offusquer. C'est que pour un Estonien «moyen», le salaire (environ 700 € mensuels) correspond à la moitié de celui d'un Français «moyen» (1300 €/mois). Il y a beaucoup de chômeurs depuis la crise économique de 2008 – le taux est plus élevé qu'en France - et les retraités n'ont qu'une pension misérable de l'ordre de 250 € par mois. Kiira nous dit qu'elle même, fonctionnaire retraitée (elle travaillait comme employée administrative au Ministère des Sports) touche 272 € par mois. Il est absolument impossible de vivre, au moins en ville, avec un tel niveau de retraites, aussi tous les retraités ont-ils un travail (au noir ?) qui assure l'essentiel de leurs revenus. Kiira continue de travailler pendant l'hiver à l'organisation de rencontres sportives de jeunes basketteurs, Lea qui est prof d'anglais retraitée fait de la traduction anglais-estonien, … Voici pourquoi le Club Friendship de Tallinn compte si peu de membres agés : ces derniers n'ont pour la plupart pas les moyens matériels de voyager … Lea nous dira d'ailleurs que si chez nous les gens souhaitent partir tôt en retraite pour profiter de la vie, les Estoniens souhaitent quant à eux travailler le plus longtemps possible pour avoir assez pour vivre : travailler plus pour gagner plus, en quelque sorte.
Un petit tour de la ville où cohabitent quelques tours modernes et des maisons de bois à l'ancienne, dont certaines sont bien restaurées.
Nous voulons aller voir le port de pêche puisque Tallinn se situe au bord de la Mer Baltique, et que les Estoniens mangent beaucoup de poisson. Déception ! 3 petits chalutiers et 5 étals sont là, au bord d'un petit quai situé dans une zone de friches. Quelques poissons que nous ne connaissons pas (à part des carpes) sont vendus directement à un nombre limité de clients.
Nous avons rendez-vous au Lac des Cygnes.
Puis, c'est la visite du Palais de Kadriorg, dont la construction fut décidée par le Tsar Pierre le Grand en 1718. Un air de famille avec le Palais de Peterhof que nous avons visité à Saint-Pétersbourg.
Non loin de là, le tout nouveau Musée des Beaux-Arts KuMu expose les oeuvres des peintres et sculpteurs estoniens. Intéressant de voir comment les écoles picturales ont eu un écho, avec un certain retard, dans ce petit pays éloigné des centres culturels européens.
Tallinn est d'ailleurs fière d'être Capitale européenne de la Culture en 2011. L'Estonie moderne restée pendant 50 ans en dehors de la vie culturelle occidentale est avide de connaître les productions des pays européens : voyez par exemple comment on joue actuellement du Pagnol en estonien !
Notre visite des quartiers modernes de Tallinn se poursuit par le site du Stade de Chant, le Lauluväljak dans lequel se tient le Festival de Chant et de Danse. 
Ce Festival revêt une grande importance pour les Estoniens. Le premier a eu lieu en 1869; et chaque célébration a été l'occasion d'affirmer le sentiment national face à l'occupant russe. Ces chants et ces danses ont pris une telle importance que les Estoniens considèrent que la «Révolution chantante» a été un élément déterminant dans le processus d'accession à l'indépendance du pays. Le Festival, une sorte de Woodstock folklorique, rassemble 30 000 choristes et 100 000 spectateurs. Il a lieu tous les 5 ans.
Non loin de là, une belle vue de Tallinn baignée par le Golfe de Finlande.
Ce soir, nous invitons Kiira au restaurant. Nous ne sommes pas seuls puisque plusieurs amis palois en ont fait de même avec leurs hôtes et ceux-ci s'étant concertés, nous nous retrouvons à la même (grande) table d'un restaurant estonien à la mode situé au rez-de-chaussée d'une ancienne usine réhabilitée.
Nous aurions préféré passer une soirée seuls avec Kiira, mais c'est aussi une bonne occasion de discuter avec d'autres Estoniens, plus jeunes, et d'avoir une autre vision du pays.
Ces derniers sont informaticiens, et ont visiblement de l'argent; ils ne font pas partie de la génération qui a appris obligatoirement le russe à l'école, ce sont des anglophones et des anglophiles. L'Estonie a des ressources agricoles limitées et une industrie héritée de l'époque soviétique dans un état déplorable, quand elle n'a pas disparu, incapable de soutenir la concurrence étrangère. Aussi le pays a développé les services, en particulier l'informatique qui est ici en plein boom: on parle d'ailleurs quelquefois de l'e-stonie ! Savez-vous par exemple que l'inventeur de Skype est un estonien ? Ici, on peut payer son parc-mètre avec son mobile connecté à Internet. Les salaires de ces jeunes diplômés sont élevés par rapport au salaire moyen du pays, mais cependant en dessous des standards ouest-européens; c'est pourquoi un nombre croissant d'entre eux recherche un emploi en Finlande (la langue estonienne et la langue finlandaise sont très voisines) ou dans les pays anglo-saxons: une fuite des cerveaux préjudiciable au pays et favorisée par la libre circulation des personnes au sein de l'Europe.
La récrimination contre l'euro, qui est devenu la monnaie de l'Estonie au 1er janvier, est forte : tout le monde a constaté une forte augmentation des prix; et comme les salaires sont gelés voire réduits par suite de la crise économique et parce que l'Estonie est maintenant soumise aux règles fixées par l'Union Européenne de «convergence des critères de Maastricht», le citoyen estonien voit son pouvoir d'achat se rétrécir …
Malgré tout cela, l'adhésion à l'Union Européenne est vécue comme une chance de développement du pays et les Estoniens sont persuadés, peut-être contrairement à nous, que le futur de leurs enfants sera meilleur que le leur.
De retour à la maison, Kiira ouvre plusieurs bouteilles de vin italien et une nouvelle bouteille de liqueur de Tallinn. Ca permet d'oublier un peu les difficultés des Estoniens. La géographie détermine finalement toute chose : l'Estonie est bien un pays situé entre la Russie et la Pologne ! Deux pays de gros buveurs ! Fasse que Kiira ne m'entende pas, elle qui n'aime pas les Russes ! Pour les Polonais, je ne sais pas ...

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