Nous
avons fini par la faire, cette croisière sur le Danube ! Les 2
années précédentes, notre inscription avait été annulée à la
dernière minute. Une fois parce que l'organisateur nous avait
soi-disant vendu des places qui n'existaient pas (?), une autre fois
parce le bateau avait heurté une écluse et devait retourner au
chantier naval pour y être réparé. Ces explications m'ont toujours
semblé pour le moins bizarres. J'aurais plutôt tendance à penser
que le croisiériste préfère annuler des inscriptions de clients
individuels prises sur Internet que de dire non aux tour-operators
- avec lesquels il travaille régulièrement – s'ils ont besoin de
places supplémentaires.
Toujours
est-il que, ça y est, nous voilà enfin partis pour 12 jours de
croisière sur le deuxième plus grand fleuve d'Europe après la
Volga. 1766 kilomètres à parcourir entre Roumanie et Allemagne, en
passant par la Bulgarie, la Serbie, la Croatie, la Hongrie, la
Slovaquie, l'Autriche.
Nos
200 compagnons de voyage ne sont pour la plupart plus de toute
première jeunesse. Et pas seulement physiquement … Quelques
Bidochons en goguette nous gratifient de leurs propos xénophobes, de
leurs critiques systématiques sur l'organisation et de leurs
sempiternelles râleries. Beaucoup de
ces passagers sont des familiers des croisières et comparent à
l'envie les mérites de leurs escapades en Méditerranée, sur le
Saint-Laurent, dans les fjords norvégiens, … et surtout de la
nourriture à bord. Heureusement un petit groupe de Québécois
apporte un peu de bonne humeur et de fraîcheur dans cet univers de
«croulants».
Les
choses ne commencent pas très bien. Ciel orageux et chaleur moite à
l'aéroport de Bucarest. L'accompagnateur de Rivages du monde n'est pas là pour nous accueillir. Une bonne demi-heure après, le
voici qui arrive après avoir été pris dans un embouteillage. Zoran
est un Serbe de Bosnie qui habite maintenant Belgrade. Très jovial
mais aussi très cool … Deux passagers n'ont pas trouvé leurs
bagages à l'aéroport ; cela occasionne 2 heures de retard et
donc une visite de Bucarest - capitale de la Roumanie, 2 millions
d'habitants - beaucoup plus rapide que prévu.
Nous
sommes accompagnés dans cette visite par un guide roumain, Daniel.
Quelques quartiers du centre ville possèdent de beaux bâtiments qui
datent du XIXème Siècle et du début XXème (Art Nouveau).
On dit ici Jugend Styl comme en Allemagne ou en Autriche tant
l'influence culturelle allemande est prépondérante.
La
bibliothèque de l'Université Carol I
Dans
le vieux quartier – dont une bonne partie a été détruite sous
Ceaucescu – l'ancienne auberge Manuc a un petit air oriental de
caravansérail.
Vlad
Tepes dit l'Empaleur (parce qu'il empalait les Turcs occupants de la
Roumanie à son époque) a un air terrible. Il a servi de modèle à
Dracula. Heureusement qu'il ne sourit pas, autrement on verrait ses
canines !
L'époque
communiste a aussi laissé des traces, comme ce bâtiment de style
stalinien, maintenant Maison de la Presse Libre
Et
surtout le gigantesque Palais de Ceaucescu –
1100 pièces, on dit qu'on peut le voir depuis la Lune - témoin de la mégalomanie du dernier dirigeant
communiste roumain, fusillé en 1989 après un procès expéditif.
La
Roumanie est un pays slave, de culture latine mais de religion
orthodoxe. Comme dans tous les pays de l'ancien bloc de l'Est, la
religion fait un retour en force de nos jours. Le patriarcat
orthodoxe roumain a sa basilique maintenant très fréquentée.
Notre
guide roumain Daniel nous parle de l'histoire de son pays, toujours
sous les influences russe, autrichienne et turque et évoque avec
nostalgie le temps de la « Grande Roumanie » de 1919.
Pendant
la Deuxième Guerre Mondiale la Roumanie change plusieurs fois d'alliances. Au début, le Roi Carol II est l'allié de la France et de l'Angleterre. Hitler arrive à le déposer au profit de son fils Mihai (Michel) qui a 18 ans et n'aura qu'un pouvoir de façade. C'est la Garde de Fer - le
parti fasciste local - qui dirige de fait et envoie les troupes roumaines combattre avec les Allemands jusqu'à Stalingrad. Puis, à la faveur d'un coup d'Etat le petit roi Mihail reprend le pouvoir avec les démocrates et s'allie avec les Russes.
A
la libération par l'Armée Rouge, les communistes prennent le pouvoir
jusqu'en 1989. On sait maintenant que le renversement du
dictateur communiste Ceaucescu a été l'oeuvre d'un clan du parti
communiste, qui souhaitait maintenir son emprise sur le pays après
la fin du rideau de fer. Pour cela, il fallait éliminer le dictateur
Ceaucescu disqualifié par les exactions de la Sicuritate, sa police
politique. Après des manifestations populaires en 1989 au moment où
tous les pays de l'Est se révoltent, le mensonge des soi-disant
charniers de Timisoara relayé par la presse internationale – on
sait maintenant qu'ils n'ont jamais existé – provoque
l'arrestation de Ceaucescu et celle de sa femme, leur jugement
sommaire et leur exécution, puis l'arrivée au pouvoir
du « communiste lifté » Illiescu, organisateur de ce
complot de palais. Il y restera jusqu'en 1996, laissant la Roumanie
en ruine…. En 1992, l'ancien Roi Michel est revenu à Bucarest pour la célébration de Pâques et a été accueilli par plusieurs
centaines de milliers de personnes mais n'a pas été autorisé à
reprendre une activité politique. Ce n'est qu'en 1997 qu'il a eu définitivement le droit de revenir au pays.
Aujourd'hui,
Daniel dit que son pays ne va pas bien. Partisan de la monarchie, il
regrette que le gouvernement actuel soit
si corrompu et n'améliore pas la situation économique, alors même
que la Roumanie est entrée dans d'Union Européenne
en 2007. D'ailleurs, Daniel, il voudrait bien quitter son pays
et venir en France, vu qu'il parle français. D'après lui, depuis
1990, la population roumaine a chuté de 22 millions d'habitants à
18. 4 millions ont émigré pour trouver une vie meilleure à
l'étranger: tout d'abord les Roms (gitans d'Europe de l'Est) dont on
a beaucoup entendu parler chez nous, qui sont victimes de ségrégation
– Daniel ne les aime d'ailleurs pas du tout -, mais aussi de clans
mafieux. Ils sont encore nombreux en Roumanie, la plupart du temps
sédentarisés et regroupés dans des villages à eux. Mais plus de 2
millions d'autres Roumains sont aussi partis surtout en Italie et en
Espagne, où pourtant le chômage fait aussi rage.
Pour
rejoindre notre bateau ancré sur le Danube à Oltenita, nous
traversons la campagne roumaine sur 80 kilomètres. Les
villages ne respirent pas la richesse … Beaucoup de champs ne sont
pas cultivés. La plupart des jeunes ont quitté les campagnes où
vivent maintenant de nombreuses personnes âgées qui ne sont plus en
mesure d'effectuer les travaux des champs. Triste constat …
Nous
voici enfin embarqués sur le MS Riva, un beau bateau de la
Compagnie allemande A'Rosa.
Le
salon
En
avant pour ce beau voyage ! Cette nuit, nous ne parcourrons que
35 kilomètres en remontant jusqu'à Roussé, sur la rive bulgare du
fleuve.
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