Changement
de pays, nous sommes maintenant en Bulgarie. Contrairement à la
Roumanie, on utilise ici l'alphabet cyrillique, comme en Russie.
Le
temps est plutôt maussade aujourd'hui ; la pluie a succédé au
beau temps d'hier. Pendant près de 2 heures, nous traversons la
campagne en bus. Des collines avec de vastes champs de tournesol, de
blé et de maïs. C'est le paysage traditionnel des plaines du Nord de la Bulgarie qui sont bien cultivées.
Pas
de fermes isolées; pendant des siècles les paysans bulgares ont élu domicile dans de petits villages pour se protéger des razzias des Turcs.
De
temps à autre, on aperçoit des bâtiments à l'abandon, anciennes
usines totalement désaffectées qui datent de l'ère communiste ;
elles ont fait faillite depuis que le capitalisme a fait son
apparition et sont à vendre. Mais qui voudrait acheter ces locaux à
moitié détruits? Ici non plus, le «socialisme réel» n'a pas fait
recette!
Même
sous le régime communiste, l'immense majorité des Bulgares étaient
propriétaires de leur petite maison, contrairement à ce qui se
passait en Russie ou en Roumanie. Cela assurait leur subsistance
alimentaire à bon marché. Maintenant, avec la crise économique, la
Bulgarie, comme la Roumanie, exporte surtout des travailleurs
immigrés. Plus de 2 millions auraient quitté le pays pour trouver
du travail en Allemagne ou en Amérique du Nord. Alors, bien des
maisons de campagne ont été totalement laissées à l'abandon.
Triste spectacle. Le revenu « moyen »
bulgare est de 520 euros par personne (par comparaison il est de 500 euros en Roumanie, et de 2400 euros en France) avec un coût de la vie presque identique
au nôtre. Je comprends maintenant mieux pourquoi
nos entreprises font appel à des camionneurs bulgares pour
transporter leurs marchandises. On voit mal comment, dans ces
conditions, le pays, comme la Roumanie d'ailleurs, peut se sortir de
ce mauvais pas... A moins d'un miracle, il lui faudra peut-être 50
ans, ou plus, pour se remettre ...Maintenant,
la Bulgarie est le dernier pays avec la Roumanie à avoir rejoint
l'Union Européenne. Peut-être est-ce le miracle qu'attendent les
Bulgares ...
Les
cigognes, elles, n'ont pas abandonné la Bulgarie. Elles sont
nombreuses dans le coin. Leurs nids sont perchés au sommet de
poteaux électriques.
Bistra
est notre guide bulgare pour la journée. Comme Daniel en Roumanie,
elle est très chauvine – nationaliste dit-elle - et glorifie le
passé historique de la Bulgarie ancienne. Elle est aussi nostalgique
de la «Grande Bulgarie» qui, entre 900 et 1200 après JC,
s'étendait de la Mer Adriatique (incluant l'Albanie) jusqu'à la Mer
Noire, en incluant les régions méridionales de l'actuelle Roumanie.
Il
y a ici de nombreux Roms, mal vus comme en Roumanie :
« profiteurs du système, voleurs, pas intégrés » dit
Bistra. Notre guide qui vante la grandeur de son pays élude la
responsabilité de la Bulgarie, alliée du régime nazi pendant la
dernière guerre. Son Roi, Boris III, n'a pas eu le choix dit-elle.
(D'autres comme le Roi de Norvège ou la Reine des Pays-Bas ont
choisi de s'exiler à Londres …Le Roi du Danemark a choisi de
porter lui-même l'étoile jaune … NDLR). Pourtant, il participe
avec les Allemands au dépeçage de la Yougoslavie et de la Grèce et
reçoit de Hitler, pour prix de son aide, la Macédoine yougoslave et
la Macédoine grecque. Mais cette connivence n'a même pas profité
audit Boris. Quand il a refusé à Hitler de s'engager en 1941 contre
l'URSS - parce que les Bulgares ne pouvaient pas combattre leurs
frères Russes qui les avaient libérés tout de même du joug
ottoman au XIXème Siècle – Hitler l'a probablement fait
assassiner … avant d'imposer le petit roi Siméon II (6 ans) et un
régent hitlérien.
Vient
après guerre, le temps du régime communiste. Les derniers jours du
gouvernement communiste de Todor Jivkov ont été marqués en 1989
par l'expulsion de Bulgarie vers la Turquie de 300 000 musulmans
d'origine turque, coupables de ne pas vouloir se « bulgariser ».
En
2001, l'ex petit roi Siméon II devient, après 40 ans d'exil,
premier ministre et dirige le processus d'adhésion à l'UE.
Bistra
nous accompagne pour faire la visite de Veliko Ternovo, l'ancienne
capitale de la Bulgarie : de 1187 date de la fin de la
domination byzantine à 1396, date de sa prise par les Turcs
Ottomans. La Bulgarie ne se libéra du joug ottoman qu'en 1877 quand
les Russes chassèrent les Turcs, mais c'est Sofia qui hérita alors
du titre de capitale. Quand on sait que la Bulgarie a vécu sous
l'emprise soviétique de 1945 à 1990, on se rend compte qu'elle a
été la plupart du temps colonisée … par les Thraces, les Turcs,
les Russes.
Il
ne reste maintenant plus grand chose de l'ancienne forteresse de
Tsarevets, place forte des tsars bulgares.
En
haut de la colline, on a reconstruit dans les années 1980 une église
orthodoxe sur le plan de celle qui y était installée au Moyen-Age.
A l'intérieur, de curieuses fresques non religieuses – mais qui y
ressemblent bougrement - à la gloire de la Patrie et de la
libération des Ottomans.
Un
femme tenant un enfant - à l'image de la Vierge - aurait les traits
agréables, dit-on, de la femme de Jivkov, le secrétaire du Parti
Communiste bulgare de l'époque … Curieux.
Le
village de Arbanasi est classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO
pour l'originalité de son architecture et la beauté des fresques de
son église de la Nativité qui date du XVIIème Siècle.
C'est
ici que nous déjeunons. Les plats ressemblent beaucoup aux plats
grecs, qui sont d'ailleurs peut-être turcs : feuilles de vigne
farcies, ragoût de poulet avec des légumes, glace au yaourt …
bulgare.
Notre
itinéraire de retour au bateau, à Nikopol, est long et fastidieux.
La route est par endroits très étroite et en mauvais état. Et
encore de très nombreuses maisons abandonnées devant lesquelles
subsistent des vignes posées en hauteur sur
des palissades. Chaque Bulgare fait d'habitude son propre vin.
Ce
soir, sur le bateau, c'est le repas de bienvenue. Nos accompagnateurs
serbes ont mis leur tenue d'apparat.
On
nous présente les responsables de l'équipage, capitaine en tête.
Ce
soir, en quittant Nikopol pour Orjahovo, 81 kms plus loin, le beau
temps est revenu, le Danube est, pour un fois, bien bleu. Il faut en
profiter, ça n'arrive pas tous les jours !
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