Cette
nuit, le MS Riva a parcouru 163 kilomètres avant d'arriver à
Vukovar, petite ville sur la rive croate du Danube. En face, c'est
encore la Serbie. Ce n'est pas anecdotique de le dire puisque la
guerre entre Croates et Serbes a commencé par un bombardement de
la ville depuis la rive serbe.
En
1991, les Croates avaient pourtant décidé démocratiquement de leur
sort en votant à plus de 80% pour l'indépendance de leur république
lors un référendum d'autodétermination. Le serbe Milosevic ne l'a
pas accepté et a engagé les hostilités.
La ville, défendue par la police et la milice croates a été
assiégée et bombardée pendant 3 mois par l'armée yougoslave aux
mains des Serbes. Le drapeau croate flotte maintenant à nouveau sur
le château d'eau comme il l'a fait tout au long du siège.
Vukovar
a été une ville martyre. De nombreuses traces des bombardements
subsistent encore.
Ruines
de la gare
Traces
d'obus et de mortiers
Notre
guide croate, Branka, a vécu personnellement cette guerre civile.
Parlant parfaitement le français, elle a servi d'interprète avec la
presse internationale pour le compte des autorités croates. Branka
nous raconte l'épisode atroce de la prise de Vukovar. Au moment où
l'armée serbe a pénétré dans la ville après 3 mois de combats,
elle a commis des atrocités. Des vieillards et des enfants ont été
abattus comme des chiens, des femmes violées. 261 militaires blessés
qui étaient soignés à l'hôpital de la ville ont été emmené
dans la campagne avoisinante, battus, torturés puis massacrés par des
soldats serbes avinés. Parmi eux, un Français, Jean-Michel
Nicollier - volontaire dans la milice croate - auquel les Croates ont
rendu hommage en lui dressant une statue. «Les Serbes se sont
conduits comme des bêtes» dit Branka.
Branka
nous fait visiter le mémorial et le cimetière militaire où sont
enterrés les 261 massacrés et les héros de l'indépendance morts
dans la défense de Vukovar. Il y a encore de nombreux corps non
identifiés retrouvés dans des charniers. Très émouvant de voir
ces femmes venues au cimetière rendre hommage à leurs morts en
cette journée de fête nationale croate.
Toutes
ces horreurs ont alimenté la haine des Croates contre les Serbes.
Pourtant, il y a malgré tout quelques Serbes – ceux qui n'ont pas
participé aux atrocités - qui sont restés après la guerre dans
cette ville à la population autrefois très mélangée.
Pas
étonnant que Branka soit une nationaliste passionnée. Elle se
laisse emporter en prétendant que les Serbes sont fainéants et
guerriers … devant notre accompagnateur du bateau, Milos, un jeune Serbe
très gentil. Lui nous dit que ces affirmations ne le touchent pas.
Il ne veut plus entendre parler de ce lourd passé.
D'ailleurs, notre
conférencier nous rappelle que même si les milices et l'armée
serbes en ont beaucoup fait, des atrocités ont aussi été commises
par les autres parties : par les Croates contre les Serbes (en Krajina) ou
les Bosniaques (à Mostar), par les Serbes contre les Bosniaques (à Srebenica et Zepa). L'épuration
ethnique est très loin d'avoir été le monopole des seuls Serbes. Quant au leader bosniaque Alija Izetbegovic que la France a soutenu à
l'initiative de Bernard-Henri Lévy, il a autrefois fait partie des "Jeunesses musulmanes", une organisation proche des Frères Musulmans, des Oustachis croates et de l'occupant nazi. Il est surtout l'auteur en 1970 de la Déclaration Islamique dans lequel il écrivait : « il n’y a pas de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques » et « Avant le droit de gouverner lui-même et son monde, l’islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d’une idéologie étrangère sur son territoire. Il n’y a donc pas de principe de gouvernement laïc, et l’Etat doit être l’expression et le soutien de concepts moraux de la religion ». Pour couronner le tout, on sait maintenant qu'Izetbegovic a rencontré à plusieurs reprises Oussama Ben Laden. Comme le disait BHL à l'époque, M. Itzebegovic est un modéré !
On le comprend donc, dans
ces guerres yougoslaves, rien n'est blanc, rien n'est noir …
Vukovar se relève tout doucement. On a construit de nouvelles
maisonnettes pour reloger les habitants dont le domicile avait été
détruit. La Croatie est maintenant un petit pays de 4 millions
d'habitants qui n'est pas au mieux de sa forme. Le salaire moyen est plus élevé qu'en Serbie à 900 € par mois et la retraite à
250 € par mois, là comme ailleurs avec un coût de la vie
comparable au nôtre. Le taux de chômage – 17% officiellement, en
réalité beaucoup plus, dit Branka – est très élevé si bien que
les jeunes s'expatrient pour trouver du travail en Allemagne, en
Suède, en Hollande ou au Canada qui comptent déjà des communautés
croates.
Pourtant,
la région de Vukovar, la Slavonie, est une grande région de
production agricole. On y produit du vin, des fruits, du blé, du
maïs, du tournesol.
A
Ilok, nous visitons le château médiéval construit au XVème Siècle
par Nikola Ilocki, Roi de Bosnie et Ban de Croatie. Il tombe aux
mains des Turcs moins de 100 après. En 1697, la ville d'Ilok a été
donnée à la famille italienne Odelscalchi, originaire de Côme, par
le Pape en remerciement de leur contribution à la reconquête de la
région sur l'Empire Ottoman.
C'est
là que nous dégustons la production de vin blanc local, un très
bon traminer qui a été servi au couronnement de la Reine Elisabeth
II. Il reste d'ailleurs quelques bonnes bouteilles qui ont échappé
à l'occupation serbe. Les militaires serbes qui n'aimaient pas le
vin avaient décidé de distiller le stock pour le transformer en eau
de vie !
Quant
à nous, nous goûtons à ce nectar en compagnie de notre guide
Branka qui est une bonne vivante. Un peu plus tard, avant de nous
quitter elle nous fera goûter de son eau de vie de prune …
Dernière
visite en Croatie, celle de la jolie ville d'Osijek qui aspire à
devenir en 2020 la Capitale Européenne de la Culture.
Nous
traversons la frontière hongroise, là où la Hongrie veut établir
une mur pour empêcher le passage de migrants illégaux, et leur
arrivée dans l'espace Schengen.
Notre
bateau nous attend à Mohacs pour repartir vers Budapest, à 200
kilomètres de là.
Un
petit avion qui pulvérise des pesticides sur les cultures passe au
dessus de nous.
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