vendredi 24 juillet 2015

Croisière sur le Danube (6) : Vukovar, Ilok et Osijek en Croatie slavonne

Cette nuit, le MS Riva a parcouru 163 kilomètres avant d'arriver à Vukovar, petite ville sur la rive croate du Danube. En face, c'est encore la Serbie. Ce n'est pas anecdotique de le dire puisque la guerre entre Croates et Serbes a commencé par un bombardement de la ville depuis la rive serbe.
En 1991, les Croates avaient pourtant décidé démocratiquement de leur sort en votant à plus de 80% pour l'indépendance de leur république lors un référendum d'autodétermination. Le serbe Milosevic ne l'a pas accepté et a engagé les hostilités.
La ville, défendue par la police et la milice croates a été assiégée et bombardée pendant 3 mois par l'armée yougoslave aux mains des Serbes. Le drapeau croate flotte maintenant à nouveau sur le château d'eau comme il l'a fait tout au long du siège.
Vukovar a été une ville martyre. De nombreuses traces des bombardements subsistent encore.
Ruines de la gare
Traces d'obus et de mortiers
Notre guide croate, Branka, a vécu personnellement cette guerre civile. Parlant parfaitement le français, elle a servi d'interprète avec la presse internationale pour le compte des autorités croates. Branka nous raconte l'épisode atroce de la prise de Vukovar. Au moment où l'armée serbe a pénétré dans la ville après 3 mois de combats, elle a commis des atrocités. Des vieillards et des enfants ont été abattus comme des chiens, des femmes violées. 261 militaires blessés qui étaient soignés à l'hôpital de la ville ont été emmené dans la campagne avoisinante, battus, torturés puis massacrés par des soldats serbes avinés. Parmi eux, un Français, Jean-Michel Nicollier - volontaire dans la milice croate - auquel les Croates ont rendu hommage en lui dressant une statue. «Les Serbes se sont conduits comme des bêtes» dit Branka.
Branka nous fait visiter le mémorial et le cimetière militaire où sont enterrés les 261 massacrés et les héros de l'indépendance morts dans la défense de Vukovar. Il y a encore de nombreux corps non identifiés retrouvés dans des charniers. Très émouvant de voir ces femmes venues au cimetière rendre hommage à leurs morts en cette journée de fête nationale croate.
Toutes ces horreurs ont alimenté la haine des Croates contre les Serbes. Pourtant, il y a malgré tout quelques Serbes – ceux qui n'ont pas participé aux atrocités - qui sont restés après la guerre dans cette ville à la population autrefois très mélangée.
Pas étonnant que Branka soit une nationaliste passionnée. Elle se laisse emporter en prétendant que les Serbes sont fainéants et guerriers … devant notre accompagnateur du bateau, Milos, un jeune Serbe très gentil. Lui nous dit que ces affirmations ne le touchent pas. Il ne veut plus entendre parler de ce lourd passé. 
D'ailleurs, notre conférencier nous rappelle que même si les milices et l'armée serbes en ont beaucoup fait, des atrocités ont aussi été commises par les autres parties : par les Croates contre les Serbes (en Krajina) ou les Bosniaques (à Mostar), par les Serbes contre les Bosniaques (à Srebenica et Zepa). L'épuration ethnique est très loin d'avoir été le monopole des seuls Serbes. Quant au leader bosniaque Alija Izetbegovic que la France a soutenu à l'initiative de Bernard-Henri Lévy, il a autrefois fait partie des "Jeunesses musulmanes", une organisation proche des Frères Musulmans, des  Oustachis croates et de l'occupant nazi. Il est surtout l'auteur en 1970 de la Déclaration Islamique dans lequel il écrivait : « il n’y a pas de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques » et « Avant le droit de gouverner lui-même et son monde, l’islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d’une idéologie étrangère sur son territoire. Il n’y a donc pas de principe de gouvernement laïc, et l’Etat doit être l’expression et le soutien de concepts moraux de la religion ». Pour couronner le tout, on sait maintenant qu'Izetbegovic a rencontré à plusieurs reprises Oussama Ben Laden. Comme le disait BHL à l'époque, M. Itzebegovic est un modéré !
On le comprend donc, dans ces guerres yougoslaves, rien n'est blanc, rien n'est noir …
Vukovar se relève tout doucement. On a construit de nouvelles maisonnettes pour reloger les habitants dont le domicile avait été détruit. La Croatie est maintenant un petit pays de 4 millions d'habitants qui n'est pas au mieux de sa forme. Le salaire moyen est plus élevé qu'en Serbie à 900 € par mois et la retraite à 250 € par mois, là comme ailleurs avec un coût de la vie comparable au nôtre. Le taux de chômage – 17% officiellement, en réalité beaucoup plus, dit Branka – est très élevé si bien que les jeunes s'expatrient pour trouver du travail en Allemagne, en Suède, en Hollande ou au Canada qui comptent déjà des communautés croates.
Pourtant, la région de Vukovar, la Slavonie, est une grande région de production agricole. On y produit du vin, des fruits, du blé, du maïs, du tournesol.
A Ilok, nous visitons le château médiéval construit au XVème Siècle par Nikola Ilocki, Roi de Bosnie et Ban de Croatie. Il tombe aux mains des Turcs moins de 100 après. En 1697, la ville d'Ilok a été donnée à la famille italienne Odelscalchi, originaire de Côme, par le Pape en remerciement de leur contribution à la reconquête de la région sur l'Empire Ottoman.
C'est là que nous dégustons la production de vin blanc local, un très bon traminer qui a été servi au couronnement de la Reine Elisabeth II. Il reste d'ailleurs quelques bonnes bouteilles qui ont échappé à l'occupation serbe. Les militaires serbes qui n'aimaient pas le vin avaient décidé de distiller le stock pour le transformer en eau de vie !
Quant à nous, nous goûtons à ce nectar en compagnie de notre guide Branka qui est une bonne vivante. Un peu plus tard, avant de nous quitter elle nous fera goûter de son eau de vie de prune …

Dernière visite en Croatie, celle de la jolie ville d'Osijek qui aspire à devenir en 2020 la Capitale Européenne de la Culture.
Nous traversons la frontière hongroise, là où la Hongrie veut établir une mur pour empêcher le passage de migrants illégaux, et leur arrivée dans l'espace Schengen.
Notre bateau nous attend à Mohacs pour repartir vers Budapest, à 200 kilomètres de là.
Un petit avion qui pulvérise des pesticides sur les cultures passe au dessus de nous.


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