Pour notre journée passée "en
famille", Vital et Varsha ont prévu de nous emmener dans le
plus grand bidonville d'Asie (plus d'un million d'habitants), celui de Dharavi, où a été tourné
le film Slumpdog Millionaire, l'histoire d'un jeune Indien issu d'un bidonville qui gagne à un jeu télévisé.
Mais avant, il faut
réussir à extraire Vital de son travail, et ce n'est pas gagné. En
attendant, nous allons prendre un deuxième petit déjeuner chez Monsieur TV Shah qui habite avec sa femme au rez de chaussée. Mr Shah est le
fondateur de la East-West Culture Association qui organise avec Perspectives Asiennes en France les échanges des Indiens et Français.
Les Shah en notre compagnie, avec Varsha et Vital
L'Association
existe depuis plusieurs dizaines d'années et a été fondée quand
les Shah ont hébergé des Français venus s'intéresser aux tribus
indiennes. Mr Shah était ingénieur hydraulicien et travaillait au
Service des Eaux de la Municipalité de Bombay. Il a maintenant 68
ans. Son épouse qui a 65 ans à fait des études de biologie et elle
a travaillé dans l'industrie pharmaceutique à la mise au point de
médicaments et de vaccins. Leur fils unique qui est "caillou" a
émigré aux États-Unis et a pris la nationalité américaine. Il
travaille à Washington dans un organisme d'Etat (il rencontre
quelquefois le Président Obama!) et il enseigne dans une Université américaine. Les Shah sont des gens très cultivés (ils me montrent
un livre qui présente les 15 plus grands mathématiciens de
l'Histoire). Ils ont beaucoup voyagé, aux Etats-Unis évidemment
mais aussi en Europe, en Amérique Latine. Ils sont très ouverts aux
autres cultures, sont hindouistes mais ne pratiquent pas,
contrairement à Vital et surtout Varsha.
En attendant Vital qui
est pris par ses occupations de chef d'entreprise avec ses 7 employés, Varsha nous fait attendre dans la salle "de
discussions" où les clients s'assoient autour d'une table en
verre sous laquelle on trouve un bel aquarium rempli de poissons
rouges à voiles. C'est magnifique. Une idée de Vital, dit fièrement
Varsha.
Puis Varsha profite du temps libre pour nous faire la cérémonie de bienvenue, en nous mettant un point rouge entre les deux yeux.
Un employé se présente avec un petit paquet. Je ne vois pas où elle veut en
venir ... Jusqu'à ce qu'il sorte du paquet plusieurs petites
statues décorées de Ganesha en onyx. Elle nous demande de choisir
celui qui nous plait le plus. C'est évidemment un cadeau pour nous.
Nous sommes gênés. Nous sommes déjà invités et recevons encore
des cadeaux en plus !
Finalement, Vital se libère de son travail.
Son adjoint se précipite pour faire appel à lui. Varsha met fin à
la demande et dit :"Demain je vous le laisserai toute la
journée, c'est promis".
En route pour le Temple de Shree Siddhivinayak consacré à Ganesha.
Il y a une grande queue a l'entrée qui doit passer par un portique
de contrôle, à cause des risques d'attentats des islamistes.
Décidément! Aujourd'hui mardi, c'est la foule des grands jours.
Mardi est en effet le jour de Ganesha. Dans la cour intérieure, on
vent tout ce qui est nécessaire pour les offrandes : des fleurs, des
noix de coco, des douceurs.
Puis les fidèles pénètrent dans le
saint des saints. Accompagnés de Vital et Varsha et de leur ami qui
est un responsable de l'Association de bienfaisance du temple, nous y
pénétrons. Là, nous assistons à un spectacle absolument extraordinaire. La foule des fidèles qui apportent leurs offrandes
se presse en direction de la statue dorée du Dieu Ganesha. C'est une
bousculade indescriptible a l'approche de la statue. Il y a des
disputes. Des employés se saisissent des offrandes, les placent sur
ou à côté de la statue, pour quelques minutes seulement. Il faut
en effet laisser de la place pour les suivants ... À notre
tour de nous approcher de la statue par un petit chemin pour
privilégiés où nous serons moins bousculés. Vital glisse un
billet dans une urne et nous voilà marqués au front d'une petite
tache orange qui signifie que nous avons reçu la bénédiction de
Ganesha.
Vital reçoit aussi les offrandes apportées par d'autres
fidèles : colliers de fleur, sucreries, noix de cocos que
Varsha s'empressera de partager de retour à la maison ou bien de
mettre sur son petit autel.
A proximité du bureau de l'ami de
Vital et Varsha, tout en haut du Temple, il y a un grand bureau où des
employés trient les dons. Des seaux sont remplis de pièces de une roupie
mais il y a aussi beaucoup de billets. Le temple récolte environ 700
millions de roupies par an, soit environ 10 millions d'euros qui
servent à financer des actions sociales (aides aux malades qui ont
besoin de dialyse par exemple, ou bien accès à une bibliothèque pour les
étudiants nécessiteux) . Quant à moi, je reçois un bel agenda
cartonné qui me permettra de penser à Ganesha pendant toute l'année
2016 !
Déjeuner dans un petit restaurant climatisé, ce qui est bien agréable compte tenu de la chaleur à la mi journée qui dépasse déjà allègrement les 30 degrés.
L'après-midi, nous allons dans le
bidonville de Dharavi. Vital pénètre en voiture par une toute
petite rue où il y a une grosse foule et beaucoup de motos. Mais
rien ne lui fait peur, il zigzague entre les échoppes, les motos et
même d'autres voitures. Les boui-bouis des marchands sont vraiment
misérables et très sales pour la plupart. Malgré cela, beaucoup de "maisons" ont des antennes paraboliques. On trouve aussi des magasins de portables.
Le bidonville est
organisé par professions, comme les souks des pays arabes.
Le bidonville existe depuis 1882 et il ne cesse de s'agrandir, accueillant de nouveaux arrivants en provenance des campagnes. Peu à peu, le bidonville a encerclé puis absorbé des quartiers d'habitation voisins et on trouve maintenant de grands immeubles au milieu du bidonville. Comme un cancer qui rongerait peu à peu la ville. Ce n'est pas l'idée que je me faisais des bidonvilles auparavant, mais vu l'état des immeubles, cela ne fait guère de différence de vivre dans ce genre d'habitations ou dans les baraques en bois qu'on trouve à leur pied ...
La
population est très mélangée, Hindous et Musulmans vivent côte à côte,
on trouve à la fois des mosquées avec un muezzin qui appelle à la
prière et des temples hindous.
J'y ai même vu une petite chapelle
catholique. Nous stoppons à côté d'un "magasin" , je
devrais dire une devanture dans un état pitoyable, qui commercialise
des pièces de tissu, en particulier des kurtas, les tuniques
indiennes pour les hommes. Des enfants y travaillent à ranger des piles d'habits.
Je ne méfie pas, et je devrais, car Vital et Varsha nous ont emmené là pour m'en offrir une. Finalement, le commerçant me fera cadeau gratuitement de la tunique .... Je suppose par amitié à l'égard de Vital ou pour services rendus par celui-ci. J'essaie le modèle qu'ils ont choisi avec le commerçant et qui me va comme à un Maharaja.
Nous allons visiter les "ateliers de fabrication" dans les arrière-boutiques. Les ouvriers sont entassés dans de petits réduits, dans une chaleur étouffante. Ils travaillent 14 heures par jour pendant 6 jours, et sont probablement payés au lance-pierre.
Je ne méfie pas, et je devrais, car Vital et Varsha nous ont emmené là pour m'en offrir une. Finalement, le commerçant me fera cadeau gratuitement de la tunique .... Je suppose par amitié à l'égard de Vital ou pour services rendus par celui-ci. J'essaie le modèle qu'ils ont choisi avec le commerçant et qui me va comme à un Maharaja.
Nous allons visiter les "ateliers de fabrication" dans les arrière-boutiques. Les ouvriers sont entassés dans de petits réduits, dans une chaleur étouffante. Ils travaillent 14 heures par jour pendant 6 jours, et sont probablement payés au lance-pierre.
Les repasseurs
Les couturiers
Les brodeurs
Le commerçant, qui fabrique selon les modèles
que lui demandent ses clients via Internet, exporte partout dans le monde
: il nous parle d'Arabie Saoudite et d'Afrique du Sud. Avec de telles conditions de travail, avec de tels salaires, pratiquement sans taxes, on comprend bien qu'il est absolument impossible aux productions européennes de concurrencer les productions indiennes ... En prime, les commerçants du bidonville
réalisent des profits très limités, d'après Varsha. On comprend aussi que ce genre de travail, même s'il est très dur, permet a de nombreux Intouchables de vivre un peu mieux.
Cette visite à Dharavi a
été très intéressante et très instructive. Ruiee, la fille de Vital et Varsha, m'explique que
beaucoup de marchandises vendues par les commerçants de Bombay sont fabriquées dans ce bidonville. Il est devenu indispensable à
la vie économique de la ville, un peu comme les Chinois qui
fabriquent clandestinement des habits à Paris (je me rappelle qu'un guide parisien nous avait expliqué ça en passant dans la rue Sedaine).
Retour à la maison en traversant les bouchons. Nous
avions invité Vital et Varsha au restaurant ce soir mais finalement
Varsha se désiste prétextant que demain nous devons partir tôt et
que donc nous devons nous coucher de bonne heure ... Mais Ruiee vend la mèche
avant dîner en demandant à Michèle comment on fait des crêpes. Je
crois qu'ils ont prévu de nous faire un dîner ... francais ! Ces
Indiens sont vraiment extraordinaires de gentillesse ...
Un petit
mot à propos de Mono, l'employé de maison. Il a dit à Varsha qu'il nous aimait bien mais ne savait pas comment nous appeler. Elle lui a simplement dit de nous appeler uncle et auntie, tonton et tata !
Varsha, Vital et Mono l'employé de maison
Mono est un jeune Dalit de 16 ans. Il est originaire d'un petit
village du Nord de l'Inde, d'une famille très pauvre
d'Intouchables. Il a quitté tôt son village pour aller travailler à
la ville, mais a vite trouvé que c'était très dur. Alors sa tante
qui s'occupe de balayer la cour de la maison a demandé à Varsha si
elle pouvait lui trouver du travail. Varsha l'a pris comme employé
de maison, logé, nourri, et payé ... Mais à condition qu'il aille
à l'école 5 heures par jour. Il y a appris à lire et écrire en
hindi (pas encore en anglais nous dit Ruiee qui s'est promise de le
lui apprendre). A part ça, il aime le dessin mais pas les autres
matières, et Ruiee le force à faire ses devoirs! C'est une bonne
famille que celle dans laquelle nous sommes tombés !
Nous avons
un peu parlé politique parce qu'un des employés de l'entreprise de
Vital s'occupe aussi de social work . En fait, il appartient à un
parti politique local, affilié au BJP, le parti nationaliste hindou
qui dirige le pays depuis quelques mois. Mais il n'a pas pu être élu
parce qu'il y a beaucoup de politiciens âgés qui passent devant
lui. Il est trop jeune, alors il s'occupe de soutien aux personnes en
difficulté, ou de malades des quartiers pauvres à proximité. Comme Ashok et Vasanti, Vital et Varsha sont des partisans du Premier Ministre Modi et du BJP. Pour eux, le Congrès est un parti corrompu.
Ce
sera avec regret que nous quitterons demain matin Vital et Varsha qui
nous ont consacré le maximum de leur temps disponible dans cette
courte période de 3 jours. J'espère que nous pourrons les voir un
jour à Pau !