mercredi 17 février 2016

Inde (3) : Les rites hindous, les vaches sacrées

La vie des Hindous est ponctuée par toute une série de rites. Même si, de nos jours, tous ne sont plus respectés à la lettre, ils font cependant encore figure de référence culturelle.

La conception des enfants, la grossesse
Chez les Hindous, les relations sexuelles ont avant tout pour but la reproduction . Elles ont lieu de préférence entre minuit et trois heures du matin, l'heure propice pour faire un enfant en bonne santé physique et mentale. Pendant l'acte sexuel, la femme doit penser à quelque chose de bien, de bon (!), ce qui devrait ensuite bien prédisposer l'enfant à naître.
Pour les Hindous, après trois mois de grossesse, le sexe de l'enfant peut changer, alors c'est un moment où on pense fort à avoir un garçon. En effet, le couple doit avoir au moins un fils. C'est pourquoi notre chauffeur Gurjeet a 6 sœurs aînées. Ses parents ont essayé 7 fois avant d'avoir un héritier mâle ... Cette disposition d'esprit est loin de ne concerner que les gens à la campagne. On nous a dit que parmi beaucoup d'hommes politiques qui recommandent aux autres de n'avoir qu'un seul enfant, beaucoup ne s'arrêtent de procréer que lorsqu'un garçon leur est né ! "Fais ce que je dis, fais pas ce que je fais", voilà un adage qui n'a pas de frontières !  Résultat : dans certains Etats, on pratique des avortements sélectifs et il ne naît que 816 filles pour 1000 garçons. Voir l'article L'Inde, la pays où les filles ont disparu
Si à la campagne, on a souvent une grande famille, chez les gens éduqués des villes, il y a de plus en plus de familles avec un seul ou deux enfants. C'était le cas des trois familles qui nous ont hébergé. Deux de ces familles n'avaient d'ailleurs qu'une ou deux filles, et pas de garçon. Un nombre croissant de personnes considère en effet que la surpopulation est un vrai problème en Inde. La stérilisation féminine ou masculine est un moyen de contraception qui s'est très développé en Inde. Cependant des campagnes de stérilisation forcée et l'idée développée par certains que ce sont les Occidentaux qui veulent limiter le nombre d'Indiens par malthusianisme, mettent en péril ce qui est pourtant une politique de bon sens. “On continue de considérer la contraception comme un moyen de contrôler la population et cela vient du sentiment du monde développé qu’il y a trop de naissances dans les pays en voie de développement.” dit ainsi le Dr Bedi, un gynécologue d'un hôpital de New Delhi (voir l'article de Courrier International) ... Décidément, les choses ne sont pas gagnées!

La naissance
La femme part souvent dans sa famille pour accoucher. Dans les villes, la naissance a souvent lieu à l'hôpital; l'Etat donne d'ailleurs 1100 roupies pour la naissance d'un fils à l'hôpital et 2100 pour une fille, mais à la campagne, ce sont les sage-femmes qui oeuvrent. Un métier "sale" autrefois réservé aux Intouchables.
A la naissance, avant que le cordon ne soit coupé, le père touche les lèvres du bébé avec une cuillère en or, ou avec ses doigts trempés dans du miel et du beurre clarifié (ghee). Le mot "vac" qui signifie en sanskrit "parole", est répété trois fois dans l'oreille gauche du nouveau né. Des mantras sont récités pour assurer à l'enfant une longue vie.
L'enfance
Quelques jours après la naissance, on fait venir un prêtre pour une bénédiction. En étudiant l'horoscope du bébé il donne la première lettre du prénom de l'enfant . Aux parents de choisir ensuite le reste du prénom ! Des prières sont adressées à tous les Dieux et en particulier à Agni, le Dieu du Feu. Puis, le père se penche vers l'oreille droite de l'enfant et lui chuchote le nom choisi. Enfin, toutes les personnes présentes bénissent le bébé et portent du miel ou du sucre à ses lèvres.
Au moment où l'enfant à ses premières dents, il est temps de lui donner à manger autre chose que le lait maternel. Une bonne personne parmi la famille ou les amis est chargée de lui donner sa première cuillère en or ou en argent, remplie de miel. Et malheur à celui qui s'est vu donner cette première cuillère par quelqu'un de mauvais parce que cela influencera négativement son caractère toute la vie.
Il existe divers rites durant l'enfance tel que la première visite au temple, la cérémonie du perçage des oreilles. Les premiers cheveux coupés sont offerts en offrande à une divinité.
L'upanayama est un moment important dans la vie d'un jeune Hindou de caste brahmanique. Il s'agit de l'initiation religieuse. Elle a généralement lieu entre 6 et 12 ans et est vécue comme une deuxième naissance. Lors de la cérémonie, on remet a l'enfant la triple cordelette sacrée, symbole de la plus haute caste, qu'il devra porter sa vie durant sur son épaule gauche. Quand ils vont aux toilettes, les Brahmanes se mettent cette cordelette autour des oreilles. Il paraît qu'elle a des vertus médicinales particulières pour lutter contre la constipation et pour avoir de bonnes urines!

Le mariage
C'est la fête de la vie la plus importante - la seule que la personne vit vraiment dit notre guide Padam car la naissance et la mort se passent sans lui ...Bien vu !
90% des mariages chez les Hindous sont des mariages arrangés par les parents. C'est d'ailleurs aussi le cas chez les pratiquants d'autres religions. Même s'il n'est pas un mariage d'amour (au départ), le mariage arrangé n'est pas toujours un mariage forcé au sens strict. De nos jours, au moins dans les villes, le futur mari peut refuser plusieurs propositions sans qu'on lui en fasse reproche, et la future épouse peut elle aussi refuser si le parti qu'on lui propose ne lui convient pas. La pression familiale et sociale est cependant forte. Et à la campagne, on est moins libéral ...
Au départ, les parents d'un des conjoints (en général le futur mari) recherchent avec l'aide d'un médiateur un parti qui convient: de la même religion, de la même caste et sous-caste, d'un statut social équivalent, et d'un même niveau d'études. Il ne faut pas qu'il y ait de consanguinité au 7ème degré entre les futurs époux (il y a des brahmanes qui tiennent à jour la généalogie de la famille pour le contrôler sérieusement). Les parents choisissent le bon parti après s'être mis d'accord avec l'autre famille sur le montant de la dot. Celle-ci est en général versée par les parents de la fille aux parents de l'époux, mais il y a maintenant des cas inverses parce qu'il y a un manque de filles. Si la promesse de dot n'est ensuite pas honorée, il arrive que la famille de l'époux procède à des représailles, comme de faire brûler la femme ... Près de 10000 femmes indiennes en sont mortes en 2012 (voir En Inde, une femme meurt toutes les heures à  cause de la dot)  L'usage de la dot est pourtant théoriquement interdit par la loi. 
On présente au futur conjoint celui ou celle qui a été retenu(e) par ses parents avec le "dossier" et une photo. En général, le futur conjoint choisit "sur plan" et cela suffira. Dans quelques rares cas, les futurs époux peuvent se rencontrer brièvement, accompagnés d'un chaperon. Si les futurs conjoints sont d'accord, on passe à l'étape suivante, les fiançailles  où des cadeaux sont échangés. Après cette étape, il n'est plus possible de revenir en arrière. Si jamais cela arrivait, le futur époux responsable de la rupture serait mis au ban de la communauté et serait dorénavant considéré comme un pestiféré ne sachant pas tenir ses promesses.
Vient l'heure du mariage quand les prêtres ont décidé d'une bonne date qui doit convenir en fonction des horoscopes des deux parties. On ne se marie jamais entre le 14 décembre et le 14 janvier car cela porte malheur, et pas non plus entre le 14 juillet et le 14 septembre, époque où les Dieux sont en vacances !
Avant le mariage, les faire-parts d'invitation sont envoyés aux centaines d'invités (200 pour une famille pauvre et jusqu'à 5000 et plus pour une famille riche) qui présentent tout le programme des festivités qu s'étalent sur 3 à 7 jours selon.
Toutes les étapes du mariage sont soigneusement codifiées. Les premiers jours (ou plutôt les premières nuits), on fait la fête séparément chez le promis et la promise. On danse selon des rythmes traditionnels avec des tambours ou selon les rythmes endiablés de Bollywood (c'est la rançon du modernisme !).
Le troisième jour, le futur époux fait le voyage chez sa future monté sur un beau destrier blanc, magnifiquement habillé, entouré d'une procession de musiciens, d'amis et de porteurs de lampes.
Toutes les familles se sont achetées (ou ont loué) de très beaux habits de maharajas ou de maharanis . Le futur époux est accompagné par des femmes et il apporte les cadeaux. La famille de la jeune fille offre une réception et un repas. Le mari couche chez - mais pas avec - sa future femme. Ce n'est pas encore l'heure de consommer ! 
Les jours suivants, c'est la cérémonie religieuse de mariage proprement dite en présence du prêtre et de l'assistance, famille et amis proches. Ganesha est invoqué, il lèvera les obstacles sur le chemin du couple. Le fagot sacré est enduit de miel, de safran et de lait, puis décoré de guirlandes. Il apportera fécondité et longévité aux jeunes mariés. Les cordons sont attachés aux poignets du couple. Les époux rendent hommage à leur parents en leur baignant les pieds dans un mélange rituel de lait, de yaourt, de miel, de safran, de santal et de pétales de fleurs. Devant le feu, la jeune fille est offerte par ses parents à son futur mari. En signe de bénédiction, du riz safrané et des pétales de fleurs sont lancés par la famille et les invités. Les mariés font alors sept fois le tour du feu sacré. 
Avant de quitter le foyer de ses parents, les pleureuses sont invitées pour marquer la tristesse de la famille de perdre leur fille. La mariée part alors dans sa nouvelle famille d'adoption; celle de son mari où elle vivra humblement auprès de sa belle-mère et de son beau-père. Une grande fête a encore lieu avec tous les invités. Enfin, le mariage peut être consommé. Ouf !
On dessine sur l'entrée de la maison la date du mariage, à côté d'un dessin de Ganesha qui portera chance aux mariés. Et puis, comme dit notre guide Padam, cela évite d'oublier son anniversaire de mariage !
Il ne reste plus qu'à espérer que la mariée va bien s'entendre avec sa belle-mère car sinon, cela peur devenir un calvaire pour elle; en particulier si elle est en concurrence avec d'autres belles-filles plus généreuses en cadeaux ...


La mort
Lorsque quelqu'un meurt, il faut procéder à la crémation dans la journée impérativement. Seuls les morts du soir sont conservés à la maison jusqu'au lendemain. Les amis et la famille (les hommes uniquement) sont rapidement prévenus pour qu'ils puissent se diriger vers le centre funéraire et assister à la crémation. Les femmes, y compris la veuve, pleurent à la maison car elles sont interdites de crémation. Le corps des hommes est nettoyé par des hommes, celui des femmes par des femmes, des Intouchables. On place le cadavre sur un coussin d'herbes séchées disposé sur des bambous et direction le centre de crémation. On place en dessous et au dessus du corps des morceaux de bois auquel on met le feu grâce à du beurre clarifié. On a tenté de faire des crémations plus "modernes" avec des feux à gaz mais cela est très peu pratiqué, les familles souhaitant le plus souvent s'en tenir à la méthode traditionnelle. 
Après la crémation, les amis quittent le lieu pour aller pleurer avec la famille, en ayant soin de prendre un bain de purification dès leur sortie du centre funéraire. Seuls quatre amis restent avec le corps calciné du défunt et lui cassent le crâne pour permettre la libération de l'âme. Une partie des cendres est récupérée et sera ultérieurement versée dans les eaux sacrées du Gange ou d'autres rivières sacrées pour ceux qui peuvent se permettre le voyage, dans un lac à proximité du centre de crémation pour les moins fortunés.
Il y a 2 jours de congés pour deuil pour la famille. La veuve a de 3 a 6 mois de congés, si elle travaille en dehors du foyer familial.
Le suicide des veuves (appelé sati) qui s'immolaient autrefois sur le bûcher crématoire de leur mari est un rite qui a été interdit par les Britanniques en 1832. Quelques cas exceptionnels se sont néanmoins encore produits récemment, le dernier datant de 2008. 

L'alimentation
Comme toutes les religions, l'hindouisme connaît des interdits alimentaires. Les Hindous sont pour la plupart végétariens. Le végétalisme est une expression de la non-violence. La consommation de viande par les Brahmanes, la caste la plus pure, est formellement interdite. Certains même refusent de manger des tomates et des betteraves car ces légumes ont la couleur du sang. Les castes intermédiaires consomment du poulet et du mouton. Les Intouchables peuvent manger indifféremment du porc ou du bœuf (chance !), car ils sont considérés comme impurs. Ainsi, la nourriture est hiérarchisée selon un degré de pureté. Après la nourriture végétarienne, on trouve les œufs, le poisson, le poulet, le mouton, le porc, le buffle et le bœuf. 
On ne mange qu'avec les trois premiers doigts de la main droite, qui est pure. 

Les vaches sacrées
Pour les Hindous, la vache mythique est apparue pour la première fois pendant la guerre entre les Dieux et les Démons, lors du barattage de la mer de lait, est-il dit dans les Puranas, qui figurent parmi les textes les plus sacrés. Parce qu'elles sont une incarnation de la Mère Divine (Gau Mata) les vaches en Inde sont protégées de l'abattage. 
On voit donc des vaches partout en Inde, au beau milieu de la circulation dans les villes, ou bien sur les autoroutes où les conducteurs doivent les éviter soigneusement. 
Elles appartiennent le plus souvent à de pauvres gens qui les traient pour boire leur lait quotidien. Théoriquement, la loi n'autorise pas qu'elles envahissent les chaussées, risquant de causer des accidents. Mais quel est le politicien qui courra le risque, en appliquant la loi, de s'attirer les foudres de leurs propriétaires, risquant d'être battu aux prochaines élections ? Ne l'oublions pas, l'Inde est une démocratie et l'électoralisme y a sa place.
Les vaches se nourrissent de ce que leur apportent les Indiens, mais aussi et surtout des innombrables tas de détritus qui jonchent rues et routes de campagne. Elles ne rechignent pas devant les cartons ni même les sacs plastiques. Un de nos amis indiens dit avec humour qu'elles pourraient presque produire directement des bouteilles de lait en plastique ! 
Les vaches sacrées se promènent toute la journée sur leurs lieux de broutage, jusqu'à plusieurs kilomètres, et reviennent le soir s'approcher de la maison de leurs "maîtres", là où elles savent qu'on va leur donner quelques friandises.
Les vaches sacrées ne produisent pas que du lait, elles fabriquent aussi des bouses de vache. Ces dernières servent de combustible pour le chauffage, la cuisson et aussi à fabriquer des enduits pour les murs et les sols à la campagne. 
Rançon du progrès, on peut maintenant les commander par Internet : Quand les Indiens achètent leurs bouses de vache sur Internet.

Mais le meilleur document expliquant pourquoi les Hindous vénèrent la vache, c'est Trupti, notre hôtesse d'Ahmedabad, qui me l'a fourni. Voici le document qu'elle m'a envoyé  ;

«La vache est juste un animal comme un autre... alors pourquoi ne pas la tuer et la manger ? » direz-vous.  La vache est certes un animal, mais une vache a de nombreuses particularités que n'a aucun autre animal, pas même les êtres humains. Voici les raisons pour lesquelles les Hindous considèrent que la vache est une autre mère, et qu'elle est Gau Mata, la Mère Divine.
Voici quelques vérités sur Gau Mata.

1. Si une vache mange quelque chose d'empoisonné et que nous buvons son lait, allons-nous tomber malade? Pour le savoir, une vache a été alimentée tous les jours avec une quantité donnée de poison. Après 24 heures, le sang, l'urine, les excréments et le lait ont été analysés dans un laboratoire pour vérifier s'ils contenaient ce poison. Ces tests ont été effectués non pas seulement pendant 1 ou 2 jours, mais de manière continue pendant 90 jours à l'Institut indien des sciences médicales (AIIMS) de New Delhi. Le chercheur n'a trouvé aucune trace de poison dans le lait, le sang, l'urine ou la bouse de vache. Alors où est allé ce poison dont on a nourri la vache pendant 90 jours ? Tout comme le Seigneur Shiva a gardé le poison dans sa gorge, Gau Mata a caché tout le poison dans sa gorge. Ceci est une qualité particulière que n'a aucun autre animal .

2. La vache est la seule créature qui inhale de l'oxygène et exhale également de l'oxygène.

3. Le lait de vache a le pouvoir de lutter contre le poison.

4. Il y a des maladies que la science médicale n'a pas encore expliqué; l'urine de Gau Mata a cependant le pouvoir de les guérir

5. Si on cuit du riz avec du beurre clarifié, deux puissants gaz appelé oxyde d'éthylène et oxyde de propylène sont libérés.L'oxyde de propylène est le meilleur gaz utilisé pour la création de pluie artificielle.

6. L'urine de vache est le meilleur anti-microbien au monde.

7. Avec des médicaments fabriqués à l'aide de bouse et d'urine de vache, on peut guérir les affections de l'estomac.

8. On peut se protéger des ondes radio en utilisant dans sa maison du plâtre mélangé à de la bouse de vache et en répandant de la bouse de vache à l'extérieur de la maison.

9. La bouse de vache a le pouvoir de détruire les microbes à l'origine du choléra

10. Si on brûle 10 grammes de beurre clarifié, 1 tonne d'oxygène est libérée dans l'atmosphère."

Après ça, il n'y a plus qu'à rendre les armes !



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