Ce matin, Ashok est parti
travailler à son bureau,
et Vasanti est partie sur
son petit scooter faire quelques courses.
On en profite pour faire
un petit tour, pas loin de la maison, pour aller voir la construction
d'un immeuble. On en est aux fondations et une kyrielle de porteurs
et de porteuses transportent du sable dans des bassines sur leur tête
pour nourrir la bétonnière.
En Inde, beaucoup de
choses ne sont pas mécanisées ou automatisées. Un inconvénient du
point de vue de la productivité et du temps mis pour réaliser les
choses, mais un avantage social car cela permet de faire vivre -
chichement cependant - une main d'œuvre très abondante.
Ashok
a pris gentiment son après-midi pour nous accompagner, pendant que
Vasanti reçoit une amie à la maison. Deepak, qui fait aussi partie
de l'Indo Global Friendship Association, vient avec nous. C'est un
spécialiste de l'histoire à qui on peut tout demander si on en
croît Ashok. Au programme de l'après-midi, la visite du Musée des Minéraux Gargoti à Sinnar, une vingtaine de kilomètres de Nashik C'est une merveille par l'importance de la
collection de cristaux de toutes sortes, par leur beauté et leurs
tailles imposantes. La quasi-totalité provient de la région de
Nashik. Ces minéraux se sont déposés au cours d'un processus de
millions d'années dans des cavités de roches volcaniques qui
s'étaient déversées en formant le Plateau du Deccan. Heureusement
que Ashok et Deepak ont eu cette bonne idée de venir ici, car le
musée n'est même pas mentionné dans notre guide Lonely Planet !
Quelques sculptures du
Bouddha ou de Ganesha ont été réalisées dans des cristaux de
roche parfaitement transparents.
En revenant vers Nashik, on
emprunte la grande route qui vient de Pune. Il y a une circulation
intense, avec de très nombreux camions. Tout le monde double tout le
monde un peu n'importe où, n'importe comment, quelquefois en troisième position, en
klaxonnant à qui mieux mieux. Il suffit de se pousser un peu pour
éviter la collision. Deepak nous dit "Don't worry, be happy !".
On essaye ...
Le long de la route, des
pèlerins tout habillés d'orange, avec des drapeaux, certains
portant un petit autel, marchent en direction de Shirdi, la ville du
saint homme Saï Baba qui prêchait la tolérance religieuse. Ils
viennent de Mumbai à pied, en 20 étapes de 20 kilomètres. Ce
chemin, c'est un peu le Saint-Jacques de Compostelle indien ! Et ils
ne sont pas seuls puisque Saï Baba, ou plutôt le Temple où il est
enterré, reçoit la visite de 40 000 pèlerins par jour.
Avant
de rentrer à la maison, on a encore le temps de visiter deux
nouveaux temples. Le Muktidham, tout en marbre, on peut y lire
18 chapitres du texte sacré de l'hindouisme Bhagwat Geeta. Il est
rempli de dieux, déesses, et saints de toute sortes.
Le Navgraha
Siddhapeetham dédié à Ganesha avec ses 9 petits temples colorés.
Un pour chacune des planètes du système solaire. Avec ses lampes de
couleur qui éclairent à la nuit tombée l'immense statue du Dieu à tête
d'éléphant, il pourrait figurer à Disneyland. Mais c'est néanmoins
très beau ....
Le soir, nous entamons avec Ashok, Vasanti et
Harshel une discussion sur la famille hindoue. Les enfants vivent pour la plupart sous le même toit que les parents et même les
grands parents. Quand on parle d'enfants, il faut entendre garçons
parce que les filles vont, cela va de soi, habiter dans la famille du
mari. Harshel nous dit que le mariage qu'il a fait avec Disha était
un mariage arrangé. Il fallait que les
horoscopes concordent, ainsi que les situations sociales, et,
évidemment les castes.
On en vient à parler du système de castes
indien. A l'origine, chaque caste correspondait à un groupe de
professions : les brahmanes (religieux, enseignants), les guerriers,
les commerçants, les paysans. Sans compter les hors-castes, les
Intouchables au bas de l'échelle qui exerçaient les professions
«sales». Évidemment, avec l'évolution de la société, il n'y a
plus de reproduction totale des professions d'une génération à une
autre. Même si Harshel en est un
contre-exemple, lui qui travaille dans l'entreprise de son père ..
Aujourd'hui l'appartenance à une caste se fait uniquement par son
ascendance, un peu comme les nobles dans l'Ancien Régime. Harshel et
Vasanti disent qu'ils ne sont pas très partisans de ce système de
castes. N'empêche que Harshel s'est marié avec une femme de la même
caste. D'ailleurs, dit-il, les gens préfèrent la plupart du temps
choisir quelqu'un de la même caste parce que c'est l'habitude. Au
fil de la discussion, je comprends que leur hostilité relative au
système de castes tient plutôt dans le fait qu'ils contestent les
avantages dont bénéficieraient les membres des castes "inférieures".
On a en effet introduit au moment de l'indépendance de l'Inde des
dispositions pour favoriser l'ascension sociale des castes "inférieures", et en particuliers des Dalits, les Intouchables, un peu
à la manière de ce qu'ont fait les Etats-Unis avec la
"discrimination positive" à l'égard des Noirs. Harshel ne
fait pas mystère de ses opinions. Il pense que les castes "inférieures" ont suffisamment bénéficié de soutiens de la part des
gouvernements successifs. A l'entendre, leur situation serait devenue
meilleure que celle des castes "supérieures". Alors, pour lui, la négation du système des castes signifie d'abord l'abandon de toute mesure de "discrimination positive". Ashok et Vasanti
semblent un peu gênés de la tournure que prend la discussion, bien que
nous restions très neutres avec Michèle. On s'aperçoit par là même qu'existe une hostilité de plus en plus grande en Inde des membres
des castes "supérieures" contre les castes "inférieures" qui
jouiraient d'avantages inacceptables ... Ce qui vient de se passer très récemment à Delhi illustre parfaitement la revendication de certaines castes, en l'occurrence celle des Jats - certes en difficulté mais qu'on ne peut pas vraiment qualifier de caste pauvre - de bénéficier de la même discrimination positive que les Intouchables : La révolte des Jats dans le Nord de l'Inde; montrant que le système est quelquefois détourné de son ambition initiale de réduction des inégalités ...
Les repas du jour ont été
excellents, comme d'habitude. Vasanti est une excellente cuisinière.
Elle dit d'ailleurs que la cuisine traditionnelle est son hobby. Elle
a une aide qui vient tous les matins et passe un temps fou à
préparer tous les ingrédients pour les plats que nous dégustons
tous les jours. Faire à manger ici, c'est très long ...
Voici les
menus du jour. Au petit-déjeuner : bouillie à la farine de blé
sautée avec des petits légumes, restes de riz du Tamil Nadu d'hier
(en galettes ovoïdes) coupés en petits dés et sautés au curry. Au
déjeuner : chou-fleur à la sauce curry très épicée, pain chapati
(une galette élaborée sans levure avec de la farine de blé et de
l'eau et cuite sur une plaque métallique) , banane écrasée avec de
petits morceaux de tomate et du yaourt. Au dîner : soupe de tomates,
frites, riz basmati avec petits légumes, ... et riz basmati sucré
avec noix de cajou comme dessert.
Dès que son fils
approche, Vasanti se précipite pour le servir. Cela fait bondir
Michèle, mais c'est comme ça qu'on voit le rôle de la femme ici,
d'autant que Vasanti a décidé d'arrêter son travail d'institutrice avant d'atteindre l'âge de la retraite. Mises à part ses activités à la
Citizen Bank où elle agit comme prête-nom d'Ashok et ses
réunions mensuelles avec ses amies du Lions Club, Vasanti passe
l'essentiel de son temps à la maison.
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