jeudi 23 juillet 2015

Croisière sur le Danube (1) : Bucarest, capitale de la Roumanie

Nous avons fini par la faire, cette croisière sur le Danube ! Les 2 années précédentes, notre inscription avait été annulée à la dernière minute. Une fois parce que l'organisateur nous avait soi-disant vendu des places qui n'existaient pas (?), une autre fois parce le bateau avait heurté une écluse et devait retourner au chantier naval pour y être réparé. Ces explications m'ont toujours semblé pour le moins bizarres. J'aurais plutôt tendance à penser que le croisiériste préfère annuler des inscriptions de clients individuels prises sur Internet que de dire non aux tour-operators - avec lesquels il travaille régulièrement – s'ils ont besoin de places supplémentaires.
Toujours est-il que, ça y est, nous voilà enfin partis pour 12 jours de croisière sur le deuxième plus grand fleuve d'Europe après la Volga. 1766 kilomètres à parcourir entre Roumanie et Allemagne, en passant par la Bulgarie, la Serbie, la Croatie, la Hongrie, la Slovaquie, l'Autriche.
Nos 200 compagnons de voyage ne sont pour la plupart plus de toute première jeunesse. Et pas seulement physiquement … Quelques Bidochons en goguette nous gratifient de leurs propos xénophobes, de leurs critiques systématiques sur l'organisation et de leurs sempiternelles râleries. Beaucoup de ces passagers sont des familiers des croisières et comparent à l'envie les mérites de leurs escapades en Méditerranée, sur le Saint-Laurent, dans les fjords norvégiens, … et surtout de la nourriture à bord. Heureusement un petit groupe de Québécois apporte un peu de bonne humeur et de fraîcheur dans cet univers de «croulants».
Les choses ne commencent pas très bien. Ciel orageux et chaleur moite à l'aéroport de Bucarest. L'accompagnateur de Rivages du monde n'est pas là pour nous accueillir. Une bonne demi-heure après, le voici qui arrive après avoir été pris dans un embouteillage. Zoran est un Serbe de Bosnie qui habite maintenant Belgrade. Très jovial mais aussi très cool … Deux passagers n'ont pas trouvé leurs bagages à l'aéroport ; cela occasionne 2 heures de retard et donc une visite de Bucarest - capitale de la Roumanie, 2 millions d'habitants - beaucoup plus rapide que prévu.
Nous sommes accompagnés dans cette visite par un guide roumain, Daniel. Quelques quartiers du centre ville possèdent de beaux bâtiments qui datent du XIXème Siècle et du début XXème (Art Nouveau). On dit ici Jugend Styl comme en Allemagne ou en Autriche tant l'influence culturelle allemande est prépondérante.
La bibliothèque de l'Université Carol I
Dans le vieux quartier – dont une bonne partie a été détruite sous Ceaucescu – l'ancienne auberge Manuc a un petit air oriental de caravansérail.
Vlad Tepes dit l'Empaleur (parce qu'il empalait les Turcs occupants de la Roumanie à son époque) a un air terrible. Il a servi de modèle à Dracula. Heureusement qu'il ne sourit pas, autrement on verrait ses canines !
L'époque communiste a aussi laissé des traces, comme ce bâtiment de style stalinien, maintenant Maison de la Presse Libre
Et surtout le gigantesque Palais de Ceaucescu – 1100 pièces, on dit qu'on peut le voir depuis la Lune - témoin de la mégalomanie du dernier dirigeant communiste roumain, fusillé en 1989 après un procès expéditif.
 
La Roumanie est un pays slave, de culture latine mais de religion orthodoxe. Comme dans tous les pays de l'ancien bloc de l'Est, la religion fait un retour en force de nos jours. Le patriarcat orthodoxe roumain a sa basilique maintenant très fréquentée.
Notre guide roumain Daniel nous parle de l'histoire de son pays, toujours sous les influences russe, autrichienne et turque et évoque avec nostalgie le temps de la « Grande Roumanie » de 1919.
Pendant la Deuxième Guerre Mondiale la Roumanie change plusieurs fois d'alliances. Au début, le Roi Carol II est l'allié de la France et de l'Angleterre. Hitler arrive à le déposer au profit de son fils Mihai (Michel) qui a 18 ans et n'aura qu'un pouvoir de façade. C'est la Garde de Fer - le parti fasciste local - qui dirige de fait et envoie les troupes roumaines combattre avec les Allemands jusqu'à Stalingrad. Puis, à la faveur d'un coup d'Etat le petit roi Mihail reprend le pouvoir avec les démocrates et s'allie avec les Russes.
A la libération par l'Armée Rouge, les communistes prennent le pouvoir jusqu'en 1989. On sait maintenant que le renversement du dictateur communiste Ceaucescu a été l'oeuvre d'un clan du parti communiste, qui souhaitait maintenir son emprise sur le pays après la fin du rideau de fer. Pour cela, il fallait éliminer le dictateur Ceaucescu disqualifié par les exactions de la Sicuritate, sa police politique. Après des manifestations populaires en 1989 au moment où tous les pays de l'Est se révoltent, le mensonge des soi-disant charniers de Timisoara relayé par la presse internationale – on sait maintenant qu'ils n'ont jamais existé – provoque l'arrestation de Ceaucescu et celle de sa femme, leur jugement sommaire et leur exécution, puis l'arrivée au pouvoir du « communiste lifté » Illiescu, organisateur de ce complot de palais. Il y restera jusqu'en 1996, laissant la Roumanie en ruine…. En 1992, l'ancien Roi Michel est revenu à Bucarest pour la célébration de Pâques et a été accueilli par plusieurs centaines de milliers de personnes mais n'a pas été autorisé à reprendre une activité politique. Ce n'est qu'en 1997 qu'il a eu définitivement le droit de revenir au pays.

Aujourd'hui, Daniel dit que son pays ne va pas bien. Partisan de la monarchie, il regrette que le gouvernement actuel soit si corrompu et n'améliore pas la situation économique, alors même que la Roumanie est entrée dans d'Union Européenne en 2007. D'ailleurs, Daniel, il voudrait bien quitter son pays et venir en France, vu qu'il parle français. D'après lui, depuis 1990, la population roumaine a chuté de 22 millions d'habitants à 18. 4 millions ont émigré pour trouver une vie meilleure à l'étranger: tout d'abord les Roms (gitans d'Europe de l'Est) dont on a beaucoup entendu parler chez nous, qui sont victimes de ségrégation – Daniel ne les aime d'ailleurs pas du tout -, mais aussi de clans mafieux. Ils sont encore nombreux en Roumanie, la plupart du temps sédentarisés et regroupés dans des villages à eux. Mais plus de 2 millions d'autres Roumains sont aussi partis surtout en Italie et en Espagne, où pourtant le chômage fait aussi rage.
Pour rejoindre notre bateau ancré sur le Danube à Oltenita, nous traversons la campagne roumaine sur 80 kilomètres. Les villages ne respirent pas la richesse … Beaucoup de champs ne sont pas cultivés. La plupart des jeunes ont quitté les campagnes où vivent maintenant de nombreuses personnes âgées qui ne sont plus en mesure d'effectuer les travaux des champs. Triste constat …
Nous voici enfin embarqués sur le MS Riva, un beau bateau de la Compagnie allemande A'Rosa.
Le salon
En avant pour ce beau voyage ! Cette nuit, nous ne parcourrons que 35 kilomètres en remontant jusqu'à Roussé, sur la rive bulgare du fleuve.

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