vendredi 24 juillet 2015

Croisière sur le Danube (5) : Belgrade, la capitale de Serbie et Topola

La ville de Belgrade est située au confluent du Danube et de la Save.
Elle a été longtemps à la frontière de 2 mondes : chrétien et musulman (Autriche et Empire Ottoman), puis catholique et orthodoxe (Autriche-Hongrie et Serbie). Les Turcs y ont construit l'énorme forteresse Kalemegdan qui domine la vallée du Danube.
Cette statue a fait scandale quand elle a été installée dans le parc. Cachez ce sexe que je ne saurais voir ... Alors, on l'a mis face à la pente et au Danube. Mais avec un zoom ...
Une statue intitulée «A la France» inaugurée en 1930 rappelle les longues relations d'amitié qui ont autrefois existé entre la France et la Serbie depuis 1914. L'inscription dit « Nous aimons la France comme elle nous a aimés ».
Est-ce toujours d'actualité, maintenant que la France a participé en 1999 aux frappes de l'OTAN sur Belgrade pendant la Guerre du Kosovo ? Il en reste encore des traces, comme ces ouvertures béantes dans la façade du Ministère de la Défense, laissées en l'état comme pour se souvenir de ce que la Serbie a vécu comme une injustice.
Nous sommes encore et toujours poursuivis par les conséquences des derniers conflits des Balkans. Il faut dire que le pouvoir serbe de Milosevic – un nationaliste ex-communiste - porte une responsabilité écrasante dans cette succession de massacres perpétrés dans les années 1990 en Croatie, en Bosnie et au Kosovo contre tous ceux qui n'étaient pas serbes. Mais notre guide Milica, 51 ans et 3 enfants, pourtant hostile à Milosevic et aux nationalistes, reste très sceptique sur le point de vue véhiculé par les médias occidentaux quant à la responsabilité exclusive des Serbes. Elle est nostalgique de l'époque de la Yougoslavie unie qui regroupait jusqu'à la fin des années 80 Serbes, Croates, Slovènes, Bosniaques et Macédoniens. Mais depuis, la roue de l'Histoire a tourné et la Serbie s'est retrouvée sur le banc des accusés. Contrairement à la Slovénie et la Croatie, elle n'a pas été autorisée à rejoindre l'UE, refusant de reconnaître ses responsabilités dans les massacres de Srebenica et Zepa en Bosnie (8000 hommes exécutés), de Vukovar en Croatie (environ 300 exécutés), et de reconnaître l'indépendance du Kosovo, une région peuplée majoritairement d'Albanais musulmans. Difficile à la Serbie d'accepter qu'elle perde le Kosovo, une région qui a été historiquement le creuset de la nation serbe il y a 7 siècles ! Impossible de s'abstraire de son passé, de son histoire.
Milica regrette le temps de la Yougoslavie, même si elle pense que son dirigeant d'alors, Tito, était un dictateur. Moins féroce cependant que ses homologues des pays de l'Est. La vie était plus facile qu'aujourd'hui, le niveau de vie était plus élevé, dit Milica. Tito était surtout  un grand homme d'état respecté au plan international, le créateur avec l'Indien Nehru et l'égyptien Nasser du Mouvement des Non-alignés (ce qu'on appelle maintenant le Tiers-Monde). Il était connu et respecté dans le monde entier. 200 personnalités du monde entier ont d'ailleurs assisté à ses obsèques nous rappelle Milica. Elle lui reproche cependant d'avoir pratiqué le culte de la personnalité - chaque république de la Yougoslavie avait son Titograd par exemple - et surtout de n'avoir pas su préparer sa succession. La position de Milica n'est d'ailleurs pas unique. Tito a encore des partisans un peu partout en ex-Yougoslavie, surtout, il faut le dire, des personnes âgées dont le niveau de vie s'est fortement dégradé depuis que les retraites ont été amputées et que le système de santé est devenu moins favorable.
Il est vrai que depuis 25 ans les choses ne vont pas bien en Serbie. Le pays a d'abord subi pendant l'ère Milosevic une inflation galopante. On vend d'ailleurs comme souvenir des billets de 500 milliards de dinars datant de 1993 !
Après les guerres qui ont mis le pays à genoux, les frappes de l'OTAN, un embargo économique décrété par l'ONU puis les mesures récemment imposées par le FMI pour que la Serbie obtienne un prêt de 1 milliard d'euros ont fini de mettre à bas l'économie de la Serbie.
Même le retour de la démocratie n'a pas comblé les espoirs que les Serbes mettaient en elle. Les démocrates pro-européens ont dû quitter le pouvoir à la suite de grands scandales de corruption où il a été démontré qu'ils avaient mis la main dans la caisse. Maintenant, les nationalistes ont repris le pouvoir … Selon Milica, la corruption est généralisée et 104 partis se disputent les faveurs des électeurs. Du coup, elle fait la grève du vote, signe de désabusement face à la situation du pays et d'un certain désespoir de ne pas voir les choses changer favorablement.
Une visite rapide de la ville permet de voir qu'elle voir qu'elle est malgré tout – ou plutôt qu'elle a été - plus riche que ses équivalentes roumaine et bulgare.
Comme dans beaucoup de pays de la région, l'influence de la culture américaine se fait sentir. Ici un artiste expose ses sculptures de «Transformers » dans la rue.
Dans les quartiers populaires de Belgrade, les immeubles sont en piteux état, mais Milica dit que beaucoup de gens ont acheté à des prix ridiculement bas des maisons de campagne qu'ils s'attachent à rénover et dans laquelle ils cultivent un petit potager pour améliorer leur ordinaire. Avec des salaires mensuels moyens de 400 € et un coût de la vie équivalent au nôtre (sauf les loyers), il devient indispensable de produire une bonne partie de son alimentation.
La suite de notre programme nous permet de visiter la petite église orthodoxe Sainte-Sava, magnifiquement décorée.
A proximité, on construit avec l'aide de généreux donateurs, serbes émigrés ou russes (Poutine a promis son aide), une gigantesque basilique orthodoxe qu'on appelle le Temple et qui sera le siège du patriarcat serbe. La Sagrada Familia, version orthodoxe. Il faudra encore des années pour la terminer en la recouvrant de mosaïques. Grandiose mais sans grande valeur artistique pour l'instant hormis ces belles coupoles.
Milica nous apprend que les prêtres orthodoxes sont obligatoirement mariés et barbus. Tant qu'ils ne sont pas mariés, ils sont seulement diacres et n'ont pas le droit de porter la barbe. Par contre, les chefs hiérarchiques de l'Eglise – entre autres le patriarche - sont élus parmi les moines qui, eux, restent célibataires.
L'après-midi est consacrée à la visite de Topola, la ville dont était originaire la dernière dynastie royale des Karadjordjevic. Le premier de la dynastie, un héros de la lutte contre les Ottomans, a porté le nom de Karadjordje, Georges le Noir.
C'est à Topola qu'a été construite dans les années 30 la crypte royale dans laquelle on a d'abord transféré les restes de ce père fondateur.
L'intérieur, bien qu'assez récent, est recouvert de mosaïques de toute beauté réalisées en Allemagne.
La crypte souterraine regroupe les tombeaux de la famille royale.
Entre autres celui d'Alexandre III assassiné à Marseille par un Croate avec notre compatriote béarnais Louis Barthou, alors ministre des Affaires Etrangères. Un petit montage photo dans le musée qui se trouve à proximité de la chapelle rappelle cette page sombre de l'histoire yougoslave.
Et, puisque nous sommes dans l'Histoire jusqu'au cou, voici le télégramme qui annonça la déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie, le 28 juillet 1914. Elle est écrite en français, la langue diplomatique de l'époque.
«Le gouvernement royal de Serbie n'ayant pas répondu d'une manière satisfaisante à la note qui lui avait été remise par le ministre d'Autriche-Hongrie à Belgrade à la date du 23 juillet 1914, le gouvernement impérial et royal se trouve dans la nécessité de pourvoir lui-même à la sauvegarde de ses droits et intérêts et de recourir à cet effet à la force des armes. L'Autriche-Hongrie se considère donc de ce moment en état de guerre avec la Serbie. Le ministre des Affaires Etrangères d'Autriche-Hongrie , Comte Berchtold». On en connait la suite. 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je viens d'imprimer ... et de lire tes premiers reportages sur votre
croisière sur le Danube. L'Europe de l'est est en bien piètre état !
Les diplômés bulgares en costume "américain" ressemblent
beaucoup à la cérémonie de remise de diplôme à Lohan
à Berkeley en juin dernier avec le bonnet carré. Papi