Avec Mado et Jean-Paul, nous sommes logés dans une casa
particular de grand luxe. L'appartement comporte 2 chambres
à louer disposées autour d'un couloir rempli d'objets de valeur. Il
y a aussi un salon richement décoré même le style n'est pas celui
que je préfère. Je me demandais comment on pouvait posséder une si
belle maison sous ce régime égalitaire. J'ai la réponse. Notre hébergeuse,
une grande et belle femme métisse, la petite cinquantaine, nous dit
qu'elle était danseuse de cabaret tropical. Sa soeur, infirmière en pédiatrie, en admiration devant elle, nous montre
quelques photos du temps de sa gloire.
Elle a voyagé à l'étranger
avec sa troupe, entre autres à Paris et elle a bien gagné sa vie nous dit-elle. Maintenant, elle est chanteuse de jazz dans plusieurs cabarets de La Havane. On comprend qu'elle fait partie des quelques privilégiés du régime. Dans le couloir, plusieurs photos de Fidel Castro - dont une prise en 1960 avec d'autres révolutionnaires à La Havane après l'attentat américain contre le navire La Coubre - et un livre sur le Commandante en jefe auquel elle tient beaucoup.
Elle est au demeurant
charmante et nous propose ses services. Comme Michèle a promis de
payer l'apéro à tout le groupe demain soir, pour fêter ses
retrouvailles avec son portable, notre hôtesse lui propose de
l'aider pour réaliser son punch ! Elle parle un peu français.
Aujourd'hui, elle a fait ma lessive, ou plutôt une de ses employées a fait ma lessive pour la modique somme de 4 CUC.
Nous partons à la découverte du Vedado, le quartier où nous habitons. C'est un quartier chic avec de belles maisons dans lequel il y a beaucoup de casas particulares.
Nous nous dirigeons vers le Musée des Arts Décoratifs. En fait, c'est l'ancien palais acquis dans les années 30 par Maria Luisa Gomez Mena, Comtesse de Revilla de Camargo, une riche héritière d'une famille de sucriers qui a fui la Révolution en 1959. Elle a quitté le pays en laissant ses trésors
derrière elle et n'est jamais revenue à Cuba. Il faut dire qu'elle
n'était sans doute pas bien vue des révolutionnaires parce que ce
qu'elle avait accumulé en un peu plus de 20 ans est inimaginable.
Dans son palais, on trouve des statues et objets d'art de toutes les
provenances : France, Italie, Allemagne, Angleterre, Chine, Japon.
La famille de Napoléon
La
comtesse voyageait beaucoup, avait bon goût et achetait tout ce
qu'elle désirait, sa fortune étant apparemment sans limite. C'est
ainsi qu'on trouve une commode ayant appartenu à Marie-Antoinette,
une corne d'ivoire ciselée ayant appartenu à Louis XIII, ...
Si on
en juge par les quelques photos qui sont exposées, les réceptions
qu'elle donnait rassemblaient le Tout La Havane et même au delà puisqu'on la voit avec des membres des familles royales d'Angleterre et d'Espagne.
On continue en direction du Cimetière. Sur la Rampa, la grande
avenue de ce quartier de La Havane, on trouve un grand magasin qui
vend toutes sortes de choses.
Certains rayons comme la boucherie -
dont l'étal ne contient pourtant que du jambon roulé en cylindre
et quelques mauvais morceaux de porc- sont pris d'assaut.
Pour
accéder au rayon glaces, il faut même faire une grande queue sur le
trottoir avant de pouvoir pénétrer dans le saint des saints
Dans une petite maison, on vend de la quincaillerie et des ustensiles de cuisine d'occasion. Des casseroles métalliques coûtent 100 pesos cubains, soit 4 CUC (4 €). Une cuve d'évier métallique est vendue 70 CUC (70 €], 3 mois de salaire moyen cubain ! On voit qu'on est dans un quartier riche ...
Dans la rue
La porte d'entrée du Cimetière est monumentale, tout comme
certains monuments funéraires, dont celui dédié aux Pompiers.
Mais
la tombe la plus visitée est celle d'Amelia Goyri, une femme morte
en couches en 1905. Elle fut enterrée comme le voulait la tradition
en ce temps là avec son bébé à ses pieds. Quand on ouvrit la
tombe un peu plus tard, la légende veut qu'on ait trouvé son bébé
dans ses bras. La tombe est maintenant devenue milagrosa, miraculeuse. Les gens frappent la tombe avec 2 anneaux scellés en
récitant des prières et en faisant des voeux. Mado frappe de
nombreuses fois la tombe, elle doit avoir beaucoup à demander !
Au restaurant où nous prenons un petit en-cas - temps d'attente 45
minutes pour un petit hamburger - un jeune homme se déhanche en
jouant les doux dingues et en chantant. Entre petit malin et personne
qui a un grain ... mais il sait ce qu'il veut, quelques pesos. Ça ne
marche pas fort auprès de sa clientèle d'aujourd'hui, alors il
en fait de plus en plus. On voudrait lui donner 1 CUC mais juste pour
qu'il arrête de nous hurler dans les oreilles ...
L'après-midi, nous prenons le bus à impériale qui fait le tour
des lieux intéressants de la capitale. 10 CUC c'est bon marché pour cette ville
où on prend un peu le touriste pour une vache à lait. Première
étape, la Place de la Révolution que nous avons déjà visitée hier. Elle est maintenant
envahie de belles américaines toutes plus rutilantes les unes que
les autres. C'est possible car dans ce pays, il vaut mieux être
chauffeur de taxi à la tête d'une Buick ou d'une Chevrolet BelAir
que médecin ou professeur !
Puisqu'il y a beaucoup de touristes ici, le pouvoir s'est sans doute dit qu'il fallait frapper un grand coup pour dénoncer l'embargo américain. Ca donne ceci : "Bloqueo, el genocidio mas largo de la Historia"
Je traduis : "Le blocus, le plus grand génocide de l'Histoire". Quand on voit ça, on est interloqué ...Comparer l'embargo contre Cuba avec les génocides des Juifs, des Arméniens, des Indiens d'Amérique, ou des Tutsis ... Je veux bien que l'embargo ait créé beaucoup de souffrances et sans doute quelques morts, mais n'ont-ils pas un peu perdu le sens des réalités, les dirigeants cubains ? Ca me fait penser à cette phrase de Talleyrand: "Tout ce qui est excessif est insignifiant".
Le tour se poursuit. L'Hôtel Habana Libre (ex-Hilton). Fidel Castro y installa son bureau dans la suite 2324 pendant les 3 premiers mois de la Révolution.
Puis le Malecon, au bord d'une mer qui est très agitée aujourd'hui. On arrive ensuite dans le centre, Le Castillo de San Salvador de la Punta et le Castillo de los Tres Santos Reyes commandent l'entrée du port.
Puis les docks, avec la Douane, la vieille gare ferroviaire.
On
descend vers l'Eglise Saint-François d'Assise. Dans la
Forteresse Royale se trouve une très belle maquette de
la Santissima Trinidad , le plus grand navire de son temps, construit dans les
chantiers navals de La Havane en 1760 et qui participa à la bataille de
Trafalgar, dans la flotte franco-espagnole. Le navire qui avait été fortement endommagé par les
Anglais coula peu après la bataille. Une dame qui garde la salle où est exposée la maquette - dans les
musées, il y a des bataillons de gardiens, quelquefois 3 dans une
petite salle - s'avance vers moi et se saisit de mon appareil photo.
Elle me propose (ou plutôt décide) de me prendre en photo à côté de la maquette. Je
n'ai pas le temps de dire ouf que c'est déjà fait.
Je ne comprend pas bien
le manège, jusqu'au moment où elle me demande une petite pièce ...
Et ensuite une autre pour sa copine. La corruption est partout. Dans d'autres salles, les gardiennes me demandent du savon.
Une petite promenade à pied nous mène alors à la Plaza de Armas
devant laquelle est situé le Palais des Capitaines Généraux, un très beau bâtiment
à l'architecture assez austère.
Non loin de là, la Calle Obispo
fait figure de rue la plus chic de Cuba, avec ses magasins de luxe. Je me
demande qui achète, a part quelques Américains fortunés descendus
d'un énorme paquebot de croisière comme celui que nous avons vu
sortir du port hier soir, lâchant sa vapeur dans sa trompe de
brume. Voici l'Hôtel Ambos Mundos, repère d'Hemingway pendant les années 1930. Quel bar n'était donc pas son repère, à cet homme ?
En arpentant quelques rues de Habana Vieja, la vieille ville, on
aperçoit des maisons abandonnées depuis très longtemps sur
lesquelles poussent maintenant de vrais grands arbres. C'est
absolument surréaliste.
Quelques Habanitas
Retour au Parque Central où nous attendons notre bus à impériale
pour rentrer à notre maison, située à plusieurs kilomètres de là.
Mais, comme le plus souvent, le bus est en retard et n'arrive pas
assez tôt. Nous prenons alors un petit taxi-scooter. C'est très drôle de
circuler dans cet engin équipé d'un moteur de mobylette et qui
peut transporter jusqu'à 3 personnes plus le conducteur.
Nous sommes à la casa juste à temps pour aller manger avec Mado et Jean-Paul au
restaurant El Idilio. Il faut encore attendre plus d'une
demi-heure pour avoir une table dans cet établissement rempli de
touristes. Il faut dire que la nourriture est très bonne et pas très
chère. Pour moi, une viande de bœuf avec divers épices et
fruits confits, sauce tomate relevée, et pour Michèle, une
préparation à l'épinard dans un pain roulé. Puis pour finir une
piña colada pour Michèle - son péché mignon cubain - et une tarta de
leche pour moi. Très bon, bien meilleur que d'habitude ....
Ce soir, je peux envoyer des messages car il y a Internet à
l'Hotel Présidente, pas loin de notre maison. Quand je
m'installe sur les marches de l'hôtel, une jeune fille - elle n'a
pas 25 ans - s'assied contre moi, en s'excusant mais en
restant à la même place Je dois sans doute être dans un bon coin
pour la connexion ... Un petit peu plus tard, elle s'éloigne puis
revient en me disant en anglais : "I love your eyes'" ("J'aime tes
yeux") puis "Are you alone tonight ?" ("Es-tu seul ce soir ?") . Je
comprends alors mieux de quoi il s'agit ... Je lui dis que non, alors elle
me dit d'un air dépité "Aah, you have a wife here" ("Aah, tu as ta
femme avec toi") Du coup, elle abandonne et monte dans une petite
voiture qui démarre. Je continue sur ma tablette pendant une
demi-heure et je la vois qui revient de nouveau "Come on, come dancing with me !' ("Allez, viens danser avec moi !". Voilà une jeune
fille qui a de la suite dans les idées! Comme dans beaucoup de pays
pauvres, la prostitution se développe autour des hôtels ou
descendent les touristes étrangers ... Cuba ne fait pas exception.
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