Ce matin, nous prenons notre petit déjeuner au dernier étage de l'Hôtel Lido. La salle est dans un état médiocre mais on a
une vue en hauteur sur le centre de La Havane, et en particulier le
Capitole. On y découvre les toits des immeubles qui sont en aussi
mauvais état que leurs façades. Au milieu de tout ce bric-à-brac, on peut
voir l'aire de jeux pour enfants d'une école primaire ....
Le petit déjeuner est lui
aussi médiocre: les œufs brouillés sont froids, le beurre est remplacé par de
la margarine, les jus de fruits chimiques sont coupés avec de l'eau, le café est une vraie lavasse, il est rationné et il est
tiède. Woody Allen, dans Prends l'oseille et tire-toi, avait bien parlé du sentiment qui m'habite: "On mange mal dans cet endroit, dit un personnage à l'ami avec lequel il sort d'un restaurant - Tu as raison, répond l'autre, mais il y a un bon côté: ce n'est pas copieux" Il est vraiment temps de partir d'un meilleur pied pour cette journée!
Nous avons
décidé d'aller faire un tour du côté de la Fortaleza de San Carlos de la Cabaña et du Castillo de los Tres Santos Reyes Magnos del Morro qui bloque l'entrée du port de La Havane. C'est de là
qu'on a une belle vue d'ensemble sur la ville.
Le château est le
plus ancien, construit dès le XVIème Siècle par les Espagnols pour protéger la ville des attaques des pirates.
La
ville avait en effet été dévastée par le corsaire huguenot français
Jacques de Sores dès 1555.
Cependant, pendant la Guerre de Sept-Ans, en 1762,
une armée anglaise de 14000 hommes arrivée à bord de 24 navires de ligne et 10 frégates put débarquer
à proximité du château, le prendre après 44 jours de siège et,
enfin reçut la capitulation de la ville de La Havane.
Au Traité de Paris de 1763 qui mit fin à la Guerre de Sept-Ans, La Havane fut
rendue au Espagnols en l'échange de la Floride. C'est alors que les Espagnols décidèrent
de la construction d'une énorme forteresse - la plus importante
d'Amérique Latine - qui renforcerait la défense de la ville. Cette
fortaleza ne fut jamais prise.
C'est ici même que Che Guevara, nommé procureur du tribunal révolutionnaire à la libération de La Havane, fit exécuter plus d'une centaine de prisonniers dont certains étaient des criminels de guerre avérés et d'autres n'avaient comme seul tort que celui de porter l'uniforme des vaincus.
Revenus en ville, nous attendons à notre hôtel la visite d'Angelita et Milayda, deux sœurs qui sont les cousines d'un certain
Noël, qui a été marié à Delphine, la fille de notre amie
Colette. Avant de partir en voyage, nous avons déjeuné avec
Colette, Delphine et Mayley, le fils franco-cubain de Delphine et
Noël. C'est là que nous avons décidé de notre rencontre avec
Angelita et Milayda.
Angelita a 48 ans (on lui en donne 35) et
Milayda a 46 ans. Angelita est femme au foyer, et son mari
travaille. Ils ont une seule fille appelée Cuka qui vit actuellement à Nice.
Angelita
Milayda est une
très grande femme qui a joué dans l'équipe nationale cubaine de
basket-ball. Elle est maintenant entraîneuse de basket. Son mari l'a
quittée il y a quelques mois seulement et elle ne semble pas le
regretter !
Milayda et sa filleule
A leur arrivée dans le hall de l'hôtel, on les reconnaît
rapidement à leur attitude un peu gênée. Une fois les
présentations faites, on part déjeuner dans un restaurant
proche. Angelita et Milayda nous vantent les mérites de l'escalope
de porc cordon bleu. Va pour le cordon bleu donc !
Elles parlent fort
avec des voix très graves. Elles nous demandent des nouvelles de Delphine et de Mayley dont Angelita est la marraine. Elles sont enchantées de voir les photos de Mayley que Delphine nous a confiées pour elles. Quelles émotions !
On parle de la vie quotidienne des
Cubains qui est difficile: les salaires sont très bas et ne permettent
pas de vivre, tout simplement. Il faut se débrouiller pour tout. Le
coût des aliments a augmenté et le logement est un problème
important. Le peuple cubain est mécontent nous disent-elles.
Autant Fidel était aimé par beaucoup, autant Raul est détesté.
Elles l'appellent El Chino, le Chinois, en se moquant. On dit en effet que Raul Castro est un demi-frère de Fidel car il est en fait l'enfant de l'union adultère de sa mère avec un métis mulâtre-chinois, commandant du poste de garde du village où habitait la famille Castro. Mais El chino a apparemment une autre signification: il serait gay ... Pourtant, il a des enfants dont certains ont même des ambitions
politiques ... Peut-être ce sous-entendu est-il lié au fait qu'il a affiché autrefois avec sa femme Vilma Espin ses désaccords avec son frère quand les homosexuels cubains étaient persécutés. Alors ... Ça sent quand même la fin de règne. En parlant
ainsi, elles regardent à gauche et à droite pour s'assurer que
personne ne les écoute ... Je leur demande si elles craignent les
espions, et, en riant fortement, elles me disent que oui. Elles font
mine de chercher où sont les micros dans les murs !
On va ensuite prendre le bus à 5 pesos cubains (0,2 €) qui va nous emmener du côté de la
municipalité (municipio) de Diez de Octubre où elles habitent. En
attendant, on fait la queue comme toujours. Ici, ce n'est pas le
règne de Coca Cola, c'est le règne de Cuba Cola (la queue à Cuba)
! Ma phrase les fait beaucoup rire. Le bus chinois Yutong (il n'y a que
cette marque à Cuba) est confortable bien que les places soient très
serrées.
Milayda nous emmène chez elle dans un immeuble très
modeste mais une fois arrivés dans son petit appartement, je le
trouve pas si mal que ça.
Vue du balcon
C'est petit, mais bien agencé. Au mur
trône un certificat de reconnaissance pour bons et loyaux services
comme joueuse de basket dans l'équipe nationale et une photo avec
Fidel Castro.
Dès que nous arrivons, Milayda met la musique à fond.
C'est assourdissant mais les Cubains vivent en permanence en musique.
Dans les bus, dans les rues, au restaurant, on met aussi de la musique, à fond. Bref, chez Milayda, on ne s'entend pas et il faut lui
demander de baisser un peu le volume pour qu'on puisse se parler! Alors, Angelita fait danser Michèle. La danse c'est avec la musique la passion des Cubains.
Milayda nous offre un très bon café qu'on prend ici corsé et sucré,
bien meilleur que dans les bars. Pour que le prix du café, acheté avec les cartes de rationnement, reste bas, il est mélangé avec de la farine de pois chiche, nous a prévenu Delphine, mais le mode de préparation - dans une cafetière italienne et en mettant de côté les premiers centilitres pour les mélanger plus tard avec le reste du jus - fait qu'il est cependant très agréable.
Nous leur remettons les
cadeaux de Delphine et leur laissons quelques présents, entre autres un rasoir électrique dont je ne me sers plus. Elles rient
beaucoup quand on leur donne un rouleau de papier hygiénique - une idée de Delphine qui sait que les Cubains en manquent. Arrive le mari
d'Angelita et un de leur frère.
L'après-midi se passe à parler de la vie de Delphine et Mayley, ainsi que sur notre vie en
France. Ils aimeraient bien partir d'ici ... Quelques moments de fou rire aussi entre autres quand elles parlent des relations avec leurs hommes - elles rient très
bruyamment en se tapant sur les cuisses et en faisant de grands
gestes démonstratifs - bien que nous soyons loin de tout comprendre
ce qu'elles disent. Il y a leur prononciation qui est très
particulière (les s en fin de mots ne sont pas prononcés comme en
espagnol classique) et puis leur débit qui est très rapide ...
Retour dans le bus vers le Parque Central.
Dîner une nouvelle fois dans Habana Vieja ... avec toujours les mêmes plats et les mêmes boissons. Une petite piña
colada dans un bar avec musique d'où nous nous faisons vider dès que
nous avons réglé l'addition. Ici il faut des les affaires tournent
...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire