lundi 22 février 2016

Inde (11) : Nashik, Le musée des minéraux, et ... la famille indienne.

Ce matin, Ashok est parti travailler à son bureau,
et Vasanti est partie sur son petit scooter faire quelques courses.
On en profite pour faire un petit tour, pas loin de la maison, pour aller voir la construction d'un immeuble. On en est aux fondations et une kyrielle de porteurs et de porteuses transportent du sable dans des bassines sur leur tête pour nourrir la bétonnière.
En Inde, beaucoup de choses ne sont pas mécanisées ou automatisées. Un inconvénient du point de vue de la productivité et du temps mis pour réaliser les choses, mais un avantage social car cela permet de faire vivre - chichement cependant - une main d'œuvre très abondante.


Ashok a pris gentiment son après-midi pour nous accompagner, pendant que Vasanti reçoit une amie à la maison. Deepak, qui fait aussi partie de l'Indo Global Friendship Association, vient avec nous. C'est un spécialiste de l'histoire à qui on peut tout demander si on en croît Ashok. Au programme de l'après-midi, la visite du Musée des Minéraux Gargoti à Sinnar, une vingtaine de kilomètres de Nashik C'est une merveille par l'importance de la collection de cristaux de toutes sortes, par leur beauté et leurs tailles imposantes. La quasi-totalité provient de la région de Nashik. Ces minéraux se sont déposés au cours d'un processus de millions d'années dans des cavités de roches volcaniques qui s'étaient déversées en formant le Plateau du Deccan. Heureusement que Ashok et Deepak ont eu cette bonne idée de venir ici, car le musée n'est même pas mentionné dans notre guide Lonely Planet !


Quelques sculptures du Bouddha ou de Ganesha ont été réalisées dans des cristaux de roche parfaitement transparents.


En revenant vers Nashik, on emprunte la grande route qui vient de Pune. Il y a une circulation intense, avec de très nombreux camions. Tout le monde double tout le monde un peu n'importe où, n'importe comment, quelquefois en troisième position, en klaxonnant à qui mieux mieux. Il suffit de se pousser un peu pour éviter la collision. Deepak nous dit "Don't worry, be happy !". On essaye ...

Le long de la route, des pèlerins tout habillés d'orange, avec des drapeaux, certains portant un petit autel, marchent en direction de Shirdi, la ville du saint homme Saï Baba qui prêchait la tolérance religieuse. Ils viennent de Mumbai à pied, en 20 étapes de 20 kilomètres. Ce chemin, c'est un peu le Saint-Jacques de Compostelle indien ! Et ils ne sont pas seuls puisque Saï Baba, ou plutôt le Temple où il est enterré, reçoit la visite de 40 000 pèlerins par jour. 
Avant de rentrer à la maison, on a encore le temps de visiter deux nouveaux temples. Le Muktidham, tout en marbre, on peut y lire 18 chapitres du texte sacré de l'hindouisme Bhagwat Geeta. Il est rempli de dieux, déesses, et saints de toute sortes.
Le Navgraha Siddhapeetham dédié à Ganesha avec ses 9 petits temples colorés. Un pour chacune des planètes du système solaire. Avec ses lampes de couleur qui éclairent à la nuit tombée l'immense statue du Dieu à tête d'éléphant, il pourrait figurer à Disneyland. Mais c'est néanmoins très beau ....
Le soir, nous entamons avec Ashok, Vasanti et Harshel une discussion sur la famille hindoue. Les enfants vivent pour la plupart sous le même toit que les parents et même les grands parents. Quand on parle d'enfants, il faut entendre garçons parce que les filles vont, cela va de soi, habiter dans la famille du mari. Harshel nous dit que le mariage qu'il a fait avec Disha était un mariage arrangé. Il fallait que les horoscopes concordent, ainsi que les situations sociales, et, évidemment les castes. 
On en vient à parler du système de castes indien. A l'origine, chaque caste correspondait à un groupe de professions : les brahmanes (religieux, enseignants), les guerriers, les commerçants, les paysans. Sans compter les hors-castes, les Intouchables au bas de l'échelle qui exerçaient les professions «sales». Évidemment, avec l'évolution de la société, il n'y a plus de reproduction totale des professions d'une génération à une autre. Même si Harshel en est un contre-exemple, lui qui travaille dans l'entreprise de son père .. Aujourd'hui l'appartenance à une caste se fait uniquement par son ascendance, un peu comme les nobles dans l'Ancien Régime. Harshel et Vasanti disent qu'ils ne sont pas très partisans de ce système de castes. N'empêche que Harshel s'est marié avec une femme de la même caste. D'ailleurs, dit-il, les gens préfèrent la plupart du temps choisir quelqu'un de la même caste parce que c'est l'habitude. Au fil de la discussion, je comprends que leur hostilité relative au système de castes tient plutôt dans le fait qu'ils contestent les avantages dont bénéficieraient les membres des castes "inférieures". On a en effet introduit au moment de l'indépendance de l'Inde des dispositions pour favoriser l'ascension sociale des castes "inférieures", et en particuliers des Dalits, les Intouchables, un peu à la manière de ce qu'ont fait les Etats-Unis avec la "discrimination positive" à l'égard des Noirs. Harshel ne fait pas mystère de ses opinions. Il pense que les castes "inférieures" ont suffisamment bénéficié de soutiens de la part des gouvernements successifs. A l'entendre, leur situation serait devenue meilleure que celle des castes "supérieures". Alors, pour lui, la négation du système des castes signifie d'abord l'abandon de toute mesure de "discrimination positive". Ashok et Vasanti semblent un peu gênés de la tournure que prend la discussion, bien que nous restions très neutres avec Michèle. On s'aperçoit par là même qu'existe une hostilité de plus en plus grande en Inde des membres des castes "supérieures" contre les castes "inférieures" qui jouiraient d'avantages inacceptables ... Ce qui vient de se passer très récemment à Delhi illustre parfaitement la revendication de certaines castes, en l'occurrence celle des Jats - certes en difficulté mais qu'on ne peut pas vraiment qualifier de caste pauvre - de bénéficier de la même discrimination positive que les Intouchables : La révolte des Jats dans le Nord de l'Inde; montrant que le système est quelquefois détourné de son ambition initiale de réduction des inégalités ...

Les repas du jour ont été excellents, comme d'habitude. Vasanti est une excellente cuisinière. Elle dit d'ailleurs que la cuisine traditionnelle est son hobby. Elle a une aide qui vient tous les matins et passe un temps fou à préparer tous les ingrédients pour les plats que nous dégustons tous les jours. Faire à manger ici, c'est très long ...
Voici les menus du jour. Au petit-déjeuner : bouillie à la farine de blé sautée avec des petits légumes, restes de riz du Tamil Nadu d'hier (en galettes ovoïdes) coupés en petits dés et sautés au curry. Au déjeuner : chou-fleur à la sauce curry très épicée, pain chapati (une galette élaborée sans levure avec de la farine de blé et de l'eau et cuite sur une plaque métallique) , banane écrasée avec de petits morceaux de tomate et du yaourt. Au dîner : soupe de tomates, frites, riz basmati avec petits légumes, ... et riz basmati sucré avec noix de cajou comme dessert.

Dès que son fils approche, Vasanti se précipite pour le servir. Cela fait bondir Michèle, mais c'est comme ça qu'on voit le rôle de la femme ici, d'autant que Vasanti a décidé d'arrêter son travail d'institutrice avant d'atteindre l'âge de la retraite. Mises à part ses activités à la Citizen Bank où elle agit comme prête-nom d'Ashok et ses réunions mensuelles avec ses amies du Lions Club, Vasanti passe l'essentiel de son temps à la maison. 




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