jeudi 27 mars 2014

Périple en Amérique Latine (5) : Lac de Llanquihue (2 janvier 2014)

Météo mitigée pour notre deuxième jour au bord du Lac de Llanquihue. Notre guide local s'appelle Inti. Visiblement, il est métissé d'indien, peut-être de mapuche. Il parle un français impeccable. Il a vécu une dizaine d'années en France, à Angoulême. Son père s'est exilé avec à sa famille pendant les années de la dictature  après avoir été arrêté le lendemain du Coup d'Etat de Pinochet et avoir passé plusieurs mois en prison. Il n'est revenu au Chili qu'après le retour de la démocratie en 1990.
 
Comme il nous explique cela, nous avons une longue discussion sur la situation politique et économique du Chili. Vu le passé de sa famille, Inti est fortement marqué à gauche. Il nous explique que le modèle économique ultra-libéral mis en place au Chili sous la dictature - avec les conseils des économistes américains de l'Ecole de Chicago - n'a pas été remis en cause par les gouvernements de droite ou du centre gauche qui lui ont succédé à la tête du pays depuis 1990. La plupart des services publics ont été démantelés ou mis à la diète sous le règne de Pinochet : écoles, hôpitaux, ... et le niveau des impôts a fortement baissé ... pour ceux qui en payaient. L'Etat est donc pauvre. En contrepartie, la plupart des services sont payants et inaccessibles aux moins riches. Le président actuel qui termine son mandat, Sebastian Piñera, en bon élève du "Chicago boy" Milton Friedman, a d'ailleurs affirmé, nous dit Inti, après de longues grèves d'étudiants qui ont duré un an (!), qu'il pensait que l'éducation était un bien de consommation comme les autres, soumis aux lois intangibles de l'économie de marché. Au Chili, cette économie est entre les mains d'une petite oligarchie qui possède des compagnies richissimes (cuivre, transports, bois, industrie de la pêche..) et ne compte pas se laisser déposséder. Le président sortant s'est paraît-il enrichi de 100 millions de dollars pendant son mandat. Les cas de corruption des hommes politiques, de droite et de gauche, se sont multipliés ces dernières années. Face à un mécontentement de plus en plus fort du peuple chilien, une nouvelle présidente socialiste, Michelle Bachelet, vient d'être confortablement élue avec 62% des voix ... mais 56% d'abstention, ce qui ne s'était jamais vu dans un pays qui avait tant souhaité le retour de la démocratie. Ça montre le grand scepticisme des Chiliens quant à la capacité des politiciens actuels, qu'ils soient de droite ou de gauche, à faire évoluer la société. Michelle Bachelet a en effet déjà été élue Présidente il y a quelques années mais elle n'avait pas pu faire grand chose dans le domaine économique et sociaĺ, ayant été lâchée par sa propre majorité. Elle avait pu faire voter quelques lois pour donner plus droits aux femmes. Quoique très populaire, et considérée comme intègre, elle est donc très attendue quant à ses promesses de redonner plus de force au secteur public, notamment en rénovant le secteur hospitalier public qui est en ruine et en réduisant fortement les frais d'inscription à l'Université, ce que réclamaient les étudiants . Inti est assez sceptique sur sa capacité à y arriver ...
Autre discussion pour essayer de comprendre pourquoi Augusto Pinochet n'a jamais été jugé après les horribles crimes que lui et sa junte ont commis : tortures, disparitions de milliers d'opposants politiques. C'est même un gouvernement dirigé par Ricardo Lagos, un socialiste (le parti de Salvador Allende !) qui lui a permis de rentrer au pays sans être inquiété alors qu'il était sous le coup d'un mandat d'arrêt international et dans l'incapacité de quitter Londres. Après le retour de la démocratie, il est même resté Chef des Forces Armées puis sénateur à vie avant de finir sa vie tranquillement à 91 ans à Santiago. Il faut dire qu'une partie importante - même si c'est loin d'être la majorité - de la population est restée favorable à Pinochet, par peur du communisme.
A part ça, nous avons fait un beau tour du Lac de Llanquihue et de la ville la plus proche, Puerto Montt, 200 000 habitants. Beaucoup d'entre eux vivent de l'élevage du saumon. Le Chili en est le deuxième pays producteur après la Norvège, et d'ailleurs les sociétés norvégiennes détiennent 70% des sociétés chiliennes de production de saumon du Pacifique. Sur le port d'Angelmo, on peut déguster des spécialités locales comme ces moules fumées ou ces algues séchées qui peuvent agrémenter les salades chiliennes ...
Le centre ville de Puerto Montt n'est pas très folichon.
 Le réseau électrique vaut celui de Zanzibar .
Chez McDo, le tarif du triple burger au fromage donne une idée des prix au Chili : 1100 pesos, soit 1,5 € . Amateurs de BigMacs, venez vous installer au Chili !
La maison d'Inti à Llanquihue. Inti a commencé comme chauffagiste et puis, en travaillant dans un hôtel, il a accompagné des touristes. Cela lui a plu, alors, il a changé de métier. Cela correspond mieux à son souhait de communiquer avec les autres et à son goût pour la culture et l'histoire. Sa femme est institutrice et il a 2 enfants, un fils de 16 ans et une fille, plus jeune.
Notre route passe ensuite par Frutillar, un petit village fondé vers 1850 par des colons allemands que le gouvernement chilien avait fait venir pour mettre en exploitation ces terres lointaines et inhospitalières, sujettes aux attaques des Mapuches.
Ils y ont fait souche et 5 générations après, on voit encore beaucoup de choses qui rappellent l'Allemagne : le Club Allemand, la bière, les schnitzels, ...
Le Musée Colonial allemand montre le mode de vie de ces pionniers qui rappelle celui des émigrants dans l'Ouest Américain.
Beau paysage au bord du lac. Malheureusement, le volcan Osorno est toujours sous les nuages .Demain, nous espérons avoir plus de chance .
 

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