jeudi 26 mars 2015

Traversée indochinoise (20) : Vu de la route cambodgienne

Dans le Tiers-Monde, parcourir les routes et les chemins offre bien des points de vue qui permettent de découvrir un pays. C'est là que s'organise la vie sociale. Toutes les maisons sont regroupées autour des axes de communication, de même que les commerces, les échoppes, et les marchands ambulants. Alors, voici mes impressions retirées de la route cambodgienne.
Autant le dire tout de suite, le Cambodge que nous avons traversé ne m'a pas impressionné par ses paysages ! Une immense plaine s'étend à perte de vue, sans relief hormis quelques rares collines, seulement surmontée par la silhouette des palmiers à sucre. Seules les régions frontalières, avec la Thaïlande notamment, ont quelques montagnes.
Les paysages sont monotones: des rizières, la plupart du temps asséchées, dans lesquelles paissent quelques rares buffles, zébus ou vaches maigrichonnes.
La sécheresse de la saison hivernale - pas de pluies pendant plusieurs mois - s'accompagne de quelques brûlis destinés, comme chez nous avec l'écobuage, à fertiliser les sols. A cette époque de l'année, dans la grande plaine cambodgienne écrasée sous le soleil, il n'y a pas de riz qui pousse. On n'y fait qu'une seule récolte par an au moment de la mousson. Ailleurs, dans les zones humides, aux abords du Mékong, on fait jusqu'à 3 récoltes annuelles. En dehors du riz, il y a peu d'autres cultures:  maïs, noix de cajou (les fruits d'un arbuste), manioc (la racine d'un autre petit arbuste), bananes, hévéas. 
Quelques pagodes de temps à autre, des maisons surélevées sur pilotis car pendant la saison des pluies, l'eau submerge tout. (Tola a beau nous dire que les maisons sont surélevées parce que les Khmers n'aiment pas toucher la terre, ça ne me parait pas très sérieux ! un autre guide à qui je rapporte cette thèse se met à rire aux éclats ...). Beaucoup de maisons ont une entrée un peu étroite donnant sur la route surélevée et sont construites sur des pilotis, toutes en profondeur. Le sous-sol sous la maison sert d'espace de rangement mais aussi de pièce pour manger et se reposer à l'ombre (dans un hamac !). Devant les maisons, on trouve de grosses jarres en terre qui servent à conserver l'eau potable. 
Les animaux viennent quelquefois manger la paille de riz amassée sur de grandes meules placées devant les maisons sur pilotis. 
Les "grandes routes" que nous avons empruntées, sur plus de 1000 kilomètres, que ce soit celle qui relie le Cambodge au Laos, ou bien celle qui relie les deux plus grandes villes du pays, Phnom Penh et Siem Reap, sont dans un état épouvantable. Quand elles sont goudronnées elles sont tellement bosselées que nous faisons en permanence des bonds sur nos sièges. Quand elles ne le sont pas, nous traversons d'énormes nuages de poussière aussi opaques que si nous nous trouvions pris dans un brouillard intense ... 
Et notre minibus doit contourner en permanence les nids de poule qui ont pris possession de la chaussée. Au bout du compte, il est difficile de dépasser le 30 kilomètres-heure de moyenne. La grande route qui relie la capitale à Siem Reap est en travaux presque continus sur toute la distance, 300 kilomètres. Comme au Laos, ce sont les Chinois qui sont les maîtres d'oeuvre des travaux de réhabilitation. Les ouvriers sont cambodgiens mais ils ne sont pas très nombreux si bien qu'il paraît que cette route est en travaux depuis 3 ans. Au rythme actuel, ça peut encore durer 10 ans ...
Qui plus est, que ce soit en ville ou à la campagne, la route est constamment encombrée de 2 roues qui transportent absolument tout : des villageois qui vont vendre le produit de leurs cultures ou qui vont au marché en famille, 
des qui transportent des bonzes ou des touristes,
des qui transportent du bois, 
des petits cochons roses attachés sur le dos au porte-bagages, des poulets attachés la tête en bas, une vache dans une remorque, 
des lits en bois de tek,, et des matelas
des qui font du commerce itinérant de casseroles, de pots, et d'ustensiles de cuisine ... 
Des écoliers et des collégiens reviennent de l'école en uniformes juchés sur leurs motos ou leurs vélos. 
Comme les maisons sont trop petites pour y faire de grandes fêtes, c'est la route qui est annexée à l'occasion des mariages pour y installer tréteaux et chaises. La moitié de la chaussée est alors occupée par des tentes de couleur rose dans lesquelles se pressent les convives.
On espère qu'il n'y a pas trop d'alcoolisme sur la route car, sinon, participer à un mariage pourrait s'avérer fatal si jamais un camion venait s'inviter à la noce ! Au vu du nombre de chaises, le marié - c'est lui qui traditionnellement régale - doit sans doute inviter tout le village .... La musique marche à fond retransmettant des airs qui sont ensuite chantés en karaoké. Comme au Laos et au Vietnam, le karaoké est une passion populaire. 
Toutes les villes petites ou moyennes - Suong, Chub Krau, Kompong Cham, Skuon, Kompong Thom, Stoeng ) se ressemblent.  Curieusement pour un pays qui est des plus pauvres au monde, les maisons ne sont pour la plupart pas (trop) délabrées. La date de construction qui est inscrite au fronton est d'ailleurs souvent récente (après 2000). 
Dans les villes, la circulation de motos, devient intense. 
Les marchands de motos étalent leurs engins rutilants jusque dans la rue. Les japonaises et thaïlandaises sont plus prisées que les chinoises dont on dit qu'elles sont de moindre qualité. Autour des marchés, les 2 roues sont garés de façon méthodique et placés sous la surveillance d'un gardien qui reçoit une petite obole.
De nombreux étals sont installés jusque dans la rue. Ceux qu'on remarque le plus à cause de leurs couleurs vives, ce sont ceux des lampions chinois. Le Nouvel An chinois approche.
C'est au marché ou sur ces étals que les Cambodgiens viennent s'approvisionner pour leurs besoins courants. Il n'y a de très rares supermarchés, plutôt des superettes d'ailleurs, que dans les grandes villes.
Comme dans tous les pays du monde les agences bancaires ont les plus beaux immeubles, même si les succursales des opérateurs de téléphonie mobile ne sont pas mal lotis non plus. Dans un pays qui n'a pas d'infrastructure de téléphonie fixe, ces derniers (ils sont trois) font la loi. Compte tenu du salaire moyen cambodgien, le coût d'un abonnement téléphonique est tout sauf négligeable. Pourtant, de nombreux jeunes paradent avec leur mobile. Comme chez nous, la communication grâce à son mobile est devenu un "besoin vital" pour les adolescents et les jeunes adultes. 
Pour la première fois, une station service et un camion aux couleurs de Total ! Me voici en pays connu ! 
Au passage, on a le prix d'un litre de super : 4000 riels, soit 0,9 € le litre. Finalement pas beaucoup moins cher que chez nous.  





2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel bazar dans ce Cambodge ! Tu n'as pas compté le nombre de fils électriques ? C'est plus qu'aux USA !!
Ces populations ont-elles vraiment gagné à se vouloir "indépendantes" ? ( c'est ma réflexion d'ancien "colonisateur" de la Tunisie).
Papi

Alain V a dit…

Oui, dans ce pays comme au Laos et au Vietnam d'ailleurs, les réseaux électriques sont parfaitement visibles ! Il faut dire que les inondations permanentes en période de mousson ne permettent pas de les enterrer facilement.
Quant aux "gains" obtenus après les indépendances, ils sont variables selon les pays (le Vietnam est bien parti économiquement) mais aussi très subjectifs. Je n'ai cependant jamais entendu personne réclamer le retour des colonisateurs dans aucun pays anciennement colonisé, même de la part de ceux qui expriment leurs critiques quelquefois acerbes à l'égard des gouvernements en place. Parce que la dignité n'est pas quelque chose qui s'évalue en argent sonnant et trébuchant (contrairement au niveau de vie), et parce qu'au bout du compte, le sentiment d'appartenir à une même nation, à une même culture, est un sentiment puissant, partout dans le monde. On a vécu cela chez nous avec la Révolution Française qui a aussi été un grand mouvement patriotique. Toutes les idéologies "internationales", du communisme au libéralisme, ont été ou sont confrontées à ce fait culturel majeur. Ça n'empêche pas les gens d'essayer de se sortir comme ils peuvent de leur misère et de leurs problèmes de "sous-développement" : manque d'éducation, manque de capitaux, corruption, luttes de factions, ... Dans ces pays, la vie est un combat, comme cela a aussi été le cas chez nous il y a 100 ou 200 ans.