samedi 7 mars 2015

Traversée indochinoise (9) : Nord-Laos, de Muang La à Nongkhiew

Nous poursuivons notre découverte des paysages de montagne du Nord Laos habités par de nombreux groupes ethniques : Khmus, Hmong noirs, Thaï Lui. En allant encore plus à l'Est. On se rapproche de la frontière viêtnamienne.
Après que le brouillard se soit levé, on découvre un panorama de montagnes assez hautes recouvertes de végétation.
Et toujours beaucoup de cultures: pastèques, haricots, ananas, maïs, ... Les marchés regorgent de fruits et légumes exotiques (pour nous) : taros, chouchous, patates douces, pousses de bambou et bien d'autres dont nous ne connaissons pas le nom.

La route - pourtant Nationale 3 et axe de commerce avec la Chine - est dans un état épouvantable. Il nous faut environ 6 heures pour franchir 110 kilomètres. Plusieurs tronçons importants sont en travaux, et ce sont encore les Chinois qui sont a l'oeœuvre. 
Dans la région, les Hmongs, une ethnie montagnarde venue il y a longtemps de Chine, ont élu domicile. Ils ne sont pas bouddhistes mais animistes. Des sorciers - sortes de chamanes - sont les intermédiaires entre le monde des vivants et celui des fantômes qui peuvent être maléfiques. Chez les Hmongs, on est aussi polygame. Les Hmongs cohabitent souvent avec les Khmus, une autre ethnie montagnarde, également animiste, que nous avons rencontrée hier. Dans un village Hmong, un petit centre de santé vaccine la population et distribue des médicaments de base.
Les Hmongs qui vivent aussi bien au Laos qu'au Viêtnam ont souvent été des supplétifs de l'armée française pendant la Guerre d'Indochine puis des alliés de l'armée américaine pendant la Guerre du Vietnam. Des sortes de harkis des guerres coloniales indochinoises. Cela leur a valu d'être considérés comme des ennemis lorsque les communistes ont pris le pouvoir au Vietnam et au Laos. Une "armée secrète" Hmong anticommuniste a été pourchassée dans la jungle laotienne jusque dans les années récentes. Elle a été quasi exterminée. 120 000 Hmongs ont pris le chemin de l'exil depuis 1975 principalement vers les  Etats-Unis. Voir le Conflit Hmong.  Yai, à qui je parle de ce problème, n'est pas au courant. Secret d'Etat sans doute. 
On aperçoit quelques rizières inondées dans lesquelles sont plantées de jeunes pousses. Il est très rare de voir des rizières en production à cette époque très sèche de l'année, mais il y a beaucoup d'eau par ici.

On ramasse aussi dans les rivières des "algues du Mékong" qu'on nettoie, qu'on écrase et fait sécher au soleil étalées en grandes plaques. Ces algues séchées sont ensuite consommées frites. Elles ressemblent à celles utilisées dans les sushis japonais. On vend les grandes plaques noirâtres saupoudrées de sésame.
Dans le village de Ban Na Yang, les femmes de l'ethnie Thaï Lui filent et tissent le coton. Michèle s'essaye non sans mal au métier à tisser.
Pas très loin de notre hébergement du soir, la grotte de Tam Pha Hok est un site qui a abrité les habitants et les responsables du Pathet Lao (le Front laotien pro-communiste) de la région au moment où les Américains bombardaient la piste Ho Chi Minh qui traversait le Laos et permettait aux combattants nord-viêtnamiens de rejoindre le Sud- Vietnam. Nous ne sommes pas bien loin de Dien Bien Phu non plus ... Ces bombardements américains, clandestins pendant la Guerre du Vietnam, ont valu au Laos le titre non envié de pays le plus bombardé dans l'histoire mondiale. Le sol recèlerait encore plus de 10 millions de "bombies", de petits projectiles de la taille d'une balle de tennis contenus dans les bombes à fragmentation. Au ryhtme actuel, il faudra 150 ans pour réussir à les éliminer.
Le soleil couchant illumine le village de Nongkhiew au bord de la Nam Ou et au pied de gigantesques montagnes. Le site est absolument magique, un endroit dont je me souviendrai longtemps ... 
Michèle tente de rendre l'atmosphère
Un pêcheur juché sur une longue barque a fond plat lance son filet dans l'eau de la rivière ..

Un Laotien qui n'est plus de toute prime jeunesse nous aborde en français. "C'est la pêche a l'épervier" nous dit-il, montrant par là sa grande maîtrise de notre langue. Il est guide et nous dit qu'il a appris le français au collège au moment du protectorat français. Il nous raconte qu'en 1975 lorsque le Pathet Lao a pris le pouvoir, on a interdit d'apprendre le français et l'anglais, la langue des colonisateurs et des impérialistes. Par contre le russe et le vietnamien, les langues des pays frères étaient les bienvenues. Politique abandonnée en 1990 après la perestroïka quand le gouvernement a décrété qu'il était bon que les Laotiens connaissent une langue étrangère utile au commerce ou à l'entrée de devises. Mais, nous dit notre nouvel ami guide, toute une génération de Laotiens instruits avaient déjà quitté le pays ... 4 de ses frères et soeœurs vivent maintenant à Rennes .
Des femmes proposent des billets de loterie lao-vietnamienne. Ce sont des figures d'animaux qui servent de support aux paris. Le lendemain, les animaux gagnants sont annoncés à la radio. 
Nous couchons dans un bungalow sur pilotis au dessus de la rivière Nam Ou. Confort sommaire mais cadre magnifique. 
Le lendemain matin, Michèle s'aperçoit que la plaque d'algues séchées qu'elle a achetée et un de ses pulls ont été grignotés pendant la nuit. Sans doute l'oeuvre d'un rat qui a a visité sa valise ouverte pendant la nuit. Brrrr ....

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