C'est un dimanche très calme aujourd'hui à Puerto Natales, petite ville de 20000
habitants située au bord du Fiordo Ultima Esperanza qui communique avec l'Océan
Pacifique.
51° de latitude Sud.
Un hôtel porte le nom de Charles Darwin. C'est
que le célèbre naturaliste anglais passa par la Patagonie lors de son voyage sur
le Beagle au cours duquel il fit des observations qui le menèrent à sa théorie
de l'évolution des espèces. Autre personnalité honorée ici, le montagnard,
explorateur et évangélisateur Alberto de Agostini, qui a donné son nom à la plus
grande des Torres del Paine.
A part les restaurants, peu de commerces sont
ouverts. Il fait gris, il y a des rafales de vent, il pleut par intermittence.
De temps en temps, un tout petit rayon de soleil.
Un vrai temps d'hiver en plein
été austral. Même les chiens sortent couverts ici.
Mais les pêcheurs n'hésitent
pas a se mettre à l'eau pour pêcher des bars,
et les cygnes à col noir se
promènent tranquillement en famille sur une mer agitée.
Notre auberge a des
livres sur les peuples indiens - les Selk´Nams, les Yamanas, les Haush - qui
vivaient en Terre de Feu avant l'arrivée des colons à la fin du XIXéme Siècle.
Leurs conditions de vie étaient très précaires dans ces contrées balayées par
les vents, glaciales l'hiver. Ils étaient chasseurs de guanacos. Certains
vivaient presque nus, quelquefois couverts de peaux de bêtes.
Leurs cérémonies
d'initiation étaient très étranges.
Dans la culture des Indiens, la propriété
individuelle n'existait pas et ils se mirent à chasser les moutons des colons
nouvellement installés pour se nourrir. Les missionnaires salésiens tentèrent
bien la manière douce en essayant de les convertir aux valeurs de la "civilisation",
sans succès. Après la carotte, le bâton. Après le goupillon, le sabre. Tous ces
peuples autochtones ont disparu en un peu plus de 100 ans, victimes des massacres perpétrés par les armées
chilienne et argentine, et par les milices payées par les grands propriétaires
d'estancias (ramener les oreilles ou les mains d'un Selk´Nam tué rapportait 1
livre sterling), victimes aussi de l'alcoolisme et des maladies, entre autres la
variole, importées par les Européens. Le dernier Indien de la Terre de Feu est
mort en 1974. Un véritable génocide, analogue à tous ceux qui décimèrent la
plus grande partie des Indiens d'Amérique du Nord.
A la fin du XIXème, entre
1879 et 1890, avec d'autres représentants des peuples des colonies des puissances européennes, quelques-uns de ces Indiens sont exhibés pendant les grandes expositions internationales, à Paris,
Madrid, Bruxelles, Londres, Moscou et une famille amérindienne fait l'objet de la curiosité
populaire au Jardin d'Acclimatation de Paris habituellement dévolu à
l'exposition d'animaux sauvages.
Cependant, la South American Missionary Society
demande par l'intermédiaire de l'ambassade du Chili à Paris que soit mis fin à
cette démonstration portant atteinte à la dignité de ces malheureux , et ils
sont renvoyés par bateau à Punta Arenas. On peut lire, à ce sujet, le livre Zoos humains, au temps des exhibitions humaines.
Tout ça fait réfléchir à la soi-disant
mission civilisatrice dont se paraient tous les gouvernements "européens" (d'Europe ou d'Amérique) de
l'époque, quelle que soit d'ailleurs leur couleur politique. En France, le plus
farouche partisan de cette politique de colonisation était Jules Ferry, par
ailleurs un grand républicain qui a promu l'éducation pour tous. Comme quoi,
l'Histoire ne s'inscrit pas toujours en noir et blanc.
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