lundi 10 avril 2017

Cuba (13) : de Trinidad à Cienfuegos, en passant par Santa Clara

Pour notre déplacement de Trinidad à Cienfuegos, Christine a loué des taxis. Nous sommes dans une Pontiac Catalina bien large, bien longue, dans le coffre de laquelle nous avons pu loger, Mado, Jean-Paul, Jean, Michèle et moi nos 7 gros sacs de voyage.
Au bout de 90 kilomètres, nous arrivons à Santa Clara, une ville de 150 000 habitants au centre de Cuba. Au passage, nous avons vu les premiers champs de tabac. C'est dans cette ville qu'a été construit le Mémorial de Che Guevara. 
Fin 1958, le Commandante Ernesto Guevara de la Serna, un Argentin qui avait rejoint les rangs de la rébellion cubaine exilée au Guatemala, a été chargé par Fidel Castro de diriger une colonne militaire de révolutionnaires de la Sierra Maestra en direction de La Havane. Et le Che - un surnom familier donné aux hommes en Argentine - fit des merveilles dans la région de Santa Clara, à 250 kilomètres de la capitale, tant et si bien que quelques jours après cette victoire, la Révolution était proclamée à La Havane. Avec un commando de 18 hommes il réussit à faire dérailler un train blindé qui transportait beaucoup d'armes et 408 soldats du dictateur Batista, capturant tout le stock.
Un immense mémorial a été construit après que la Bolivie où était mort le Che en 1967 eut rendu son corps. Il y était parti pour exporter la révolution en Amérique Latine et combattre l'impérialisme des Etats-Unis. Mais sa tentative de créer un maquis en Bolivie tourna à l'échec à cause du manque de soutien des Indiens et du Parti Communiste Bolivien, tant et si bien qu'il fut repéré par l'armée bolivienne et la CIA. Une fois capturé, il fut exécuté sans autre forme de procès. Le mémorial comporte une crypte dans laquelle ont été placée ses cendres et celles de ses compagnons cubains, et un musée qui retrace sa vie depuis sa naissance dans une famille aisée d'Argentine, ses études de médecin, sa rencontre avec les castristes au Guatemala, puis sa participation aux combats de Cuba, depuis le débarquement du Granma en 1956 jusqu'à la prise de pouvoir à La Havane le 1er janvier 1959, son poste de Ministre de l'Industrie du gouvernement révolutionnaire avant son départ en 1965 pour le Congo puis la Bolivie. Evidemment, il ne faut pas écorner son image, alors on n'évoque pas ici son implication, en tant que chef militaire de la Cabaña, dans les exécutions  de la libération de La Havane en 1959 (voir La face cachée du Che, un article édifiant de l'Express datant de 2007) épisode au cours duquel il fit fusiller après des procès expéditifs, outre des assassins de l'armée de Batista - ce qui était sans doute justifié -, des innocents et ce, en toute connaissance de cause. Plusieurs témoignages de camarades de combat le décrivent comme un idéologue froid, méthodique et insensible.
Che, caballero sin tacha y sin medio, Che, un homme sans tâche et sans crainte ?
Sur le monument du Mémorial est reproduite la dernière lettre que Che Guevara écrivit à Fidel Castro pour lui annoncer sa décision de démissionner du gouvernement cubain et de partir faire la révolution dans le monde. La lettre se termine par la phrase Hasta la Victoria Siempre, Patria o Muerte (Toujours jusqu'à la Victoire, la Patrie ou la Mort !) restée associée à la figure du Che.
En entrant dans le Mémorial, on nous demande de ne pas avoir d'appareil photo, de sac, et de nous taire. Ici, nous sommes dans un lieu sacré ... Christine se transforme en porte-appareils photos.
Le Che, c'est un peu un nouveau Christ, celui des révolutionnaires, immortalisé par la célèbre photo d'Alberto Korda, intitulé Le Guerillero Héroïque. Au passage, cette photo qui a fait le tour du monde n'a jamais rapporté un seul peso à son auteur ...
C'est l'heure de déjeuner sur la place centrale de Santa Clara. Dans un El Rapido, nous mangeons une pizza (américaine) et des sandwichs. C'est un peu plus rapide qu'à Sancti Spititus! Un vendeur à la sauvette rentre dans le restaurant et propose un "plat" très spécial. Il extrait d'un petit seau un produit visqueux trempé dans une eau saumâtre, et le mélange avec une sauce rouge liquide, rajoute un jet de sauce jaunâtre, et quelques morceaux d'une potion verdâtre. Ça dégoûte profondément Mado et Jean-Paul ainsi que d'autres amis voyageurs ...
Je demande de quoi il s'agit, on me dit qu'il s'agit de mariscos (fruits de mer) - en fait de petites huîtres - trempées dans un jus de tomates auquel on ajoute un peu de citron et de piment vert très relevé. La préparation s'appelle ostiones. Du coup, je goûte ce breuvage qui est, même si je n'aime pas les huîtres, parfaitement comestible.
Il me reste à espérer que cela ne me rendra pas malade ...Sinon, je devrais peut-être visiter ces toilettes équipées de demi-portes. Et là, en plus, les WC sont mixtes !
Avant de rejoindre notre belle américaine pour la dernière étape, je passe devant un grand restaurant. Il y a une queue énorme - pas loin de 100 personnes - dehors dans la rue. Ils attendent de pouvoir être admis dans le restaurant - qui doit être bon, vu le monde - , mais quelle n'est pas ma surprise de voir que les 4/5 des tables sont vides. 
Le problème, c'est que le service est trop lent pour absorber une telle masse de clients. Il est vrai que dans les organismes d'Etat (et ce restaurant en est un), il y a une bureaucratie incroyable. C'est un des problèmes de Cuba où souvent règne l'incurie.  A tel point que Raul Castro a lancé un slogan placardé un peu partout : "Ordre, discipline et excellence dans le travail". Je ne sais pas si un seul slogan servira à guérir les maux de la société cubaine qui commencent avec un système commercial étatisé à l'extrême. Apparemment, la direction politique cubaine en a - un peu - pris conscience et des petits commerces privés font petit à petit leur apparition.
Il ne nous reste plus que 90 kilomètres pour rejoindre Cienfuegos depuis Santa Clara. Notre chauffeur se met tout d'un coup à parler un peu français avec nous. Il nous dit qu'il est sommelier et a suivi à Trinidad une formation de 2 ans. Dans ce pays qui ne produit - pour l'instant - que de la piquette et dont beaucoup de restaurants sont étatisés et pas très gastronomiques, ça ne doit pas être un métier facile ... "Effectivement", nous dit notre homme, pourtant fier d'être un des rares sommeliers formés dans son pays, "c'est pour ça que je fais taxi". 
Nous rejoignons Cienfuegos, une ville différente des autres villes cubaines. Son plan de ville ressemble à celui d'une ville américaine. Des rues qui se coupent à angle droit, numérotées de 1 à plus de 40, comme aux Etats-Unis.
L'architecture, vantée dans notre guide, me semble dans l'ensemble assez quelconque, sauf sur la Place Jose Marti qui a de beaux édifices, en particulier le Théâtre.
C'est le lieu où se retrouvent tous les geeks et ceux qui veulent téléphoner "gratuitement" puisqu'il y a ici un relais Wifi.
Un autre beau bâtiment au bord de la mer, celui des Douanes, devant lequel sont garées quelques carrioles à cheval. C'est un des points de départ des tours de ville en calèche. Quand au port de pêche, il est misérable, plus que celui de Saint-Jean de Luz, ce qui n'est pas peu dire !
La ville semble par contre plus riche que celles que nous avons visitées jusqu'à présent. On y trouve plusieurs grands magasins bien achalandés, avec des produits que nous n'avons pas vu auparavant. La rue piétonne est très fréquentée.
Le réparateur de produits électroniques. Ce n'est pas comme chez nous, ici on répare les cartes électroniques. "Resolver" toujours ! 
Les manucures, pour se faire de beaux ongles
Un gros orage s'abat sur Cienfuegos. Les enfants en profitent pour glisser sur les dalles de la rue piétonne.
Ce soir, nous avons bien fait de rester manger chez nos hôtes, vu le temps ... Nous prenons un mojito (très léger)  avant un diner de poulet et langouste. Michèle a demandé à ne pas trop la faire cuire, le péché mignon des Cubains. Finalement c'était plutôt bon, et copieux avec une soupe et une assiette de crudités avant le plat principal accompagné de riz blanc et un dessert (banane et ananas). Le tout pour 9 CUC.
Pendant la nuit des milliers de fourmis volantes envahissent notre chambre et nous réveillent. C'est une véritable attaque, effrayante. Un peu "Les Oiseaux" de Hitchcock en version Insectes ...  Le gardien, Roberto, qui parle français nous vient en aide en balayant la chambre et en allumant des lumières pour les attirer à l'extérieur. Finalement il en a raison après une bataille d'une demi-heure. Il est catastrophé et me dit : "Vous allez sûrement écrire à Trip Advisor et dire que cette maison n'est pas propre et remplie d'insectes ! Mais ça n'est jamais arrivé avant aujourd'hui". 
Il conclut en disant que c'est une malédiction parce que la fille du propriétaire veut reprendre la maison de son père et le mettre, lui, à la porte. Du coup, il décide de quitter les lieux au plus vite et de lui laisser la place ...

Aucun commentaire: