samedi 8 avril 2017

Cuba (7) : de Baracoa à Bayamo


Avant de partir, notre hôtesse nous a préparé un copieux petit déjeuner: du pain et du beurre bien sûr mais aussi des crackers, des fruits (ananas et papaye), des jus (goyave et ananas), un œuf au plat, du fromage qui ressemble à de la fêta, avec une rondelle de concombre.  
Ce matin, nous quittons Baracoa pour Bayamo à 300 kilomètres de là. Ca ne paraît pas si loin, mais la route est sinueuse et accidentée. Notre moyen de transport est une vieille camionnette américaine Chevrolet parfaitement réparée. 
Le seul problème c'est que nous sommes 13 et que la camionnette n'est pas si grande que ça. Il faut déjà un certain temps pour hisser nos bagages sur la galerie de toit et les recouvrir avec une bâche. 
Ensuite, nous devons nous tasser pour trouver notre place à l'intérieur de l'habitacle. Michèle a une "bonne place" alors que je suis relégué avec Jacques, Jean, Alice et Joëlle sur une banquette étroite à l'arrière, placée en travers. 
C'est assez sportif pour se maintenir en place quand il y a des virages, et entre Baracoa et Guantanamo (150 kms) il y en a beaucoup!
Heureusement, nous ferons ultérieurement 2 haltes au cours desquelles les passagers changeront de place ... pour plus d'équité. À proximité de la base américaine de Guantanamo, on s'arrête à un mirador où on peut apercevoir au loin la fameuse base américaine. 
Au deuxième arrêt, nous nous restaurons avec un petit panini jambon-fromage (1,5 €). Sur la route, très peu de voitures individuelles, essentiellement des camions, des transports de personnes, des taxis en voitures américaines, et beaucoup de carrioles à cheval.
Très peu de tracteurs et beaucoup de bœufs attelés. Bref, une agriculture très retardée. Pratiquement que des champs de cannes à sucre.
Notre camion a besoin de gasoil. On en rajoute en versant le contenu de jerricans dans le réservoir avec un entonnoir.
Il y a aussi besoin d'eau dans le radiateur qui n'a plus de bouchon. Notre chauffeur en rajoute plus de 5 litres et un peu plus tard, il y rajoute un peu de ... ketchup. Il parait que c'est souverain pour éviter les évaporations car ça forme une couche isolante au dessus de l'eau!
À proximité, en l'absence de treuil et de palans, des hommes transportent un moteur accroché à un bout de bois pour le replacer sous le capot d'une voiture Lada. Les deux verbes les plus utilisés du lexique cubain sont parait-il conseguir (obtenir) et resolver (résoudre une situation délicate). En voilà de bonnes illustrations!
Transports collectifs sur la route
Puis, nous arrivons à Bayamo, une petite ville du centre de l'île de Cuba. Ici, très peu de touristes. Nous sommes hébergés à la Casa Olga dans une habitation très confortable.
La fille d'Olga qui finit des études d'ingénieur agricole, nous fait visiter la maison.
Il y a tous le confort moderne et cela tranche avec celui de la plupart des habitants de cette petite ville. Leurs habitations dont on peut observer l'intérieur depuis la rue sont très sombres, petites en taille, avec un confort rudimentaire.
Un petit tour de ville nous permet de voir une Église évangélique où les fidèles, uniquement des femmes, sont réunies pour chanter des cantiques. Une d'entre elle officie au micro et un grand écran d'ordinateur projette les versets qu'il faut prononcer. Pas d'autel, pas de croix avec Jésus, pas de vitraux ... Comme dans le reste de l'Amérique Latine, les églises évangéliques font beaucoup d'adeptes a Cuba, au détriment de l'Eglise Catholique du Pape Francisco.
Dans la rue piétonne, un petit jus de coco nous tend les bras pour le prix dérisoire de 3 pesos cubains (0,12 €).
Cette rue est remplie d'oeuvres d'art modernes, pas toujours de très bon goût. C'est plutôt kitsch !
Mais c'est une bonne occasion de voir la vie quotidienne des Cubains. A la crèmerie, on déguste des glaces et quand on ne mange pas tout, on récupère les restes dans un tupperware. A la pharmacie, sous un grand portrait de Che Guevara, et une déclaration péremptoire du Commandante en chef Fidel, on vend quelques potions magiques et un nombre très réduit de médicaments.
La fabrique de coches (carrioles) est fermée car c'est le week-end, mais une dame qui travaille là nous propose de venir y faire un tour quand même. C'est la seule fabrique de Cuba qui réalise des carrioles tout en bois. Il n'y en a aucune neuve aujourd'hui. Deux sont en réparation, qui appartiennent à un hôtel et un organisme d'Etat. Ce petit atelier est équipé de toutes sortes de machines à bois ou pour faire de la tapisserie.
Les machines sont actuellement souvent à l'arrêt par manque de commandes. La dame nous dit que le Venezuela avait commandé du temps de Chavez - on voit briller une lueur de remerciement dans l'œil de notre dame - une quinzaine de carrioles en bois, mais maintenant c'est fini. L'an dernier, la fabrique qui appartenait à l'Etat a été rendue au secteur privé. Elle est devenue coopérative. Les 6 employés qui étaient fonctionnaires sont devenus des artisans "libres". Libres de crever la faim en fait... Une grande carriole est vendue un prix dérisoire, environ 15000 pesos cubains, c'est-à-dire 600 €. Le modèle miniature pour enfants coûte moins de 400 €. La dame .dit qu'il faut 3 mois pour fabriquer une grande carriole. Je vous laisse faire le calcul de ce que gagnent les nouveaux artisans. Du coup, ils font aussi de la réparation des sièges en cuir d'un cinéma. En écoutant cette dame, on comprend tout le désespoir de ces gens ... On voudrait bien l'aider mais transporter une carriole, ce n'est pas si simple !
Il semble que le système égalitaire cubain soit en train de voler en éclats ... Une des maximes de Fidel affichée en grand dit : ´La Révolution cubaine ne pourra être détruite ni par la force, ni par la séduction".
Pour la force, l'Histoire lui a donné raison après l'échec de la tentative américaine de débarquement à la Baie des Cochons... Mais pour la séduction, Fidel n'était-il pas un peu présomptueux ? Avec l'ouverture économique, et l'arrivée en masse des touristes notamment américains, les bases du système castriste vacillent ...
Les quartiers populaires que nous traversons n'ont pas de supérettes comme on en voit quelquefois dans les zones les plus chics ou les plus touristiques. Par contre, il y a plusieurs entrepôts qui délivrent, avec les cartes de rationnement, les aliments de première nécessité auxquels ont droit les plus pauvres. . On y trouve, selon les arrivages, du riz, sucre, du sel, de la farine, des oeufs, du lait en poudre, des allumettes, des brosses à dents, du dentifrice, des serpillières, des cigares, du rhum.
Le soir, nous avons mangé chez Olga où on vit bien mieux. Pourtant, le dîner était moyen avec des camarones (crevettes) très cuites et donc bien raides. Pour moi, deux pilons de poulet avec une sauce à l'oignon et à l'ail, bien relevée. Et pour le dessert, nada. Nous nous décidons donc avec Mado et Jean-Paul à aller manger une glace à la crèmerie de la rue piétonne. Il faut déjà attendre une demi-heure avant de pénétrer dans la salle. Une jeune employée n'est là que pour faire la police a l'entrée de la salle. Une fois rentrés, on nous fait signe de prendre place. Aussitôt on nous donne un verre d'eau du robinet. Mais il faut encore attendre plus d'une demi-heure pour avoir la carte. A ce moment, la serveuse nous dit que dans la liste des 50 choses inscrites à la carte,il n'y en a que 3 de disponibles.  Ne comprenant rien de ce que nous dit la serveuse -elle parle très vite avec un fort accent cubain - nous choisissons au hasard. Quelques dizaines de minutes plus tard, nos glaces arrivent. 2 boules de glace ananas/goyave mélangés avec un morceau de gâteau crémeux et rassis. Les employées ne sont pas très actives et qui plus est, il y a une bureaucratie incroyable. La serveuse écrit la commande sur un talon de carnet qu'elle transmet à une contrôleuse qui rentre tout dans un grand livre et retransmet en cuisine ... Puis, tout d'un coup, l'agitation gagne la crèmerie auparavant sérieusement endormie. C'est qu'il est l'heure de la fermeture! Finalement, le seul point positif, c'est que comme c'est un magasin d'Etat, le coût des glaces est ridiculement bas puisqu'il est libellé en pesos cubains.
Du coup, nous qui voulions aller écouter de la musique dans une salle, c'est désormais trop tard! Il faudra nous contenter des concerts qui ont lieu dans la rue piétonne en ce samedi soir. Dans un des orchestres, il y a un petit orgue de Barbarie qui joue des airs de salsa, accompagné par diverses percussions. Ailleurs, une clown fait jouer des enfants. Une chanteuse, bien en chair et moulée dans sa tenue de scène, se produit devant une assistance composée essentiellement de personnes âgées et d'enfants.
Pour finir, un petit tour dans un bar de pirates où on nous concocte, sur nos indications, une sorte de punch planteur à base de jus de goyave, d'ananas et de tamarin mélangés avec du rhum de Cuba. Très bon, mais le serveur n'est pas sûr de son fait et nous demande: "Est-ce que ça vous a plu ?"


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