Aujourd'hui, nous descendons dans une mine d'argent du Cerro Rico, et c'est sûrement le point fort de notre séjour à Potosi. C'est une agence de la ville qui organise tous les jours ce genre de visites. ELle travaille avec d'anciens mineurs qui connaissent très bien et le travail et leurs collègues.
Nous sommes
avec un groupe de 20 jeunes adultes venant de tous les pays : États-Unis,
Canada, Australie, Angleterre, Irlande, Argentine, Israël, ... Nous sommes les seuls qui dépassons les 30 ans (au minimum) !
Il y a 3 étapes avant de pénétrer dans la mine: 1- nous équiper avec du
matériel de protection (veste et pantalon de toile cirée, casque et lampe
frontale),
2 - acheter des "cadeaux" pour les mineurs qui leur permettent de travailler (bâtonnets de dynamite et détonateurs), de diminuer les effets de la fatigue à haute altitude (feuilles de coca), de se désaltérer (eau et
boisson gazeuse) de fumer et de s'attirer les grâces des divinités (cigarettes, alcool à 98°) ...
et enfin 3 - visiter un ingenio,
une petite usine de transformation de minerai en métaux (argent, plomb, cuivre,
zinc, antimoine). Plutôt artisanal. Aucune protection contre les nombreuses machines tournantes ni contre les émanations de produits chimiques toxiques ...
Il y a 15 000 mineurs à Potosi qui exploitent plusieurs
dizaines de mines. Chaque mine est affectée par les autorités à une coopérative.
Dans la mine que nous visitons, il y a 80 mineurs dont 30 coopérateurs. Les 50
autres ne sont pas titulaires et il leur faut attendre plusieurs années pour
entrer dans la coopérative. Les mineurs sont propriétaires de leur
équipement et doivent donc le payer. Ils sont rémunérés directement avec ce qu'ils extraient chaque jour
et qu'ils revendent aux compagnies privées propriétaires des ingenios. Les
coopérateurs fixent eux même leur rythme de travail hebdomadaire et leurs
horaires de travail. Le travail est extrêmement très dur : les mines sont très
peu automatisées, la température peut varier entre -5° et 45°, la sécurité est
quasi inexistante, et il y a des émanations de produits toxiques en permanence
(gaz nocifs, amiante, ...) sans compter le monoxyde de carbone qui tue et les
poussières qui provoquent la silicose. Tous les mineurs sont atteints par cette
maladie invalidante après 15 ans de travail à la mine. L'âge moyen du décès des
mineurs est d'environ 50 ans ... En contrepartie, leur revenu moyen d'un mineur est de 8 fois le salaire moyen d'un ouvrier bolivien et leurs épouses ont l'assurance de toucher régulièrement quelques bolivianos si jamais ils viennent à mourir ...
La mine, c'est l'enfer à tous points de vue.
D'ailleurs les mineurs vouent un culte (dans les galeries à l'abri de la
lumière) à Tio qui est un autre nom du Diable.
A l'extérieur des mines, ils rendent grâce à Jésus-Christ et à la Pachamama. Comme cette dernière est très jalouse,
il n'est pas question qu'il y ait des femmes travaillant à l'intérieur de la
mine; sinon, Pachamama pourrait fort bien se venger en retirant de la terre les
filons de métal précieux ... Toutes les semaines à lieu une cérémonie en l'honneur de Tio et de
la Pachamama. A Tio, on offre des cigarettes, de la nourriture, des gri-gris.
Pour la Pachamama, on répand de l'alcool sur le sol, en prononçant des vœux. Puis
on finit la bouteille d'alcool à 98°. Il n'est pas mauvais, je l'ai goûté,
simplement il brûle très fort la gorge ! Alors inutile de dire dans quel état finissent les mineurs à la fin de la fête ...
On pénètre dans la mine par une galerie très peu large, très peu haute aussi d'ailleurs.
Il faut se courber très souvent et
marcher rapidement parce que des wagonnets remplis de minerai circulent à grande vitesse dans la galerie, et ils n'ont pas de freins. Il faut donc très
vite se mettre à l'abri de côté lorsqu'un wagonnet est annoncé. Et bien rentrer
les fesses parce que le wagonnet vous passe à quelques centimètres près ... Inutile de dire qu'il vaut mieux aussi ne pas tomber par terre, même si le sol est très inégal et plein de trous remplis d'eau ...
Cette mine est une mine en activité et pas une mine de démonstration pour les
touristes ! Quand nous nous sommes inscrits, on nous a d'ailleurs fait signer
une décharge totale de responsabilité en cas d'accident. Au bout de 500 mètres
nous sommes à peu près au fond du niveau 1. Je suis totalement épuisé et il me
faut bien 5 à 10 minutes de repos dans une galerie annexe pour reprendre mon
souffle.
C'est l'endroit où Michèle fait demi-tour pour revenir à l'entrée de la mine, et celui où je
descends avec mon groupe de 8 personnes accompagné de 2 guides, anciens mineurs,
vers le niveau inférieur.
Là, ça devient de la spéléologie. Il faut ramper dans
le noir, éclairés simplement par nos petites lampes, descendre sur les fesses
dans un minuscule trou à rats, très pentu pour aboutir 40 mètres plus bas dans
une galerie très étroite qui n'est plus exploitée. Et la descente recommence dans un autre boyau sur
20 autres mètres pour aboutir au 3ème niveau.
Les choses vont mieux, sauf pour
la température. Il doit faire environ 40° ici. Nous sommes dans une galerie plus
importante où des mineurs sont en train de poser des explosifs dans des trous
qu'ils ont creusé dans la paroi avec un marteau pneumatique. Il y a ici une
veine de minerai composite (argent, plomb, zinc) en cours d'exploitation.
Quelques minutes plus tard, tout notre groupe et les mineurs doivent reculer
d'environ 15 mètres. Les mèches sont mises à feu et nous avons 6 minutes pour
quitter les lieux. On entend les détonations sourdes des 9 explosions qui
provoquent un nuage de poussière.
La production de minerai est évacuée par le
premier niveau et doit donc remonter à travers un puits de 60 mètres. Elle est
chargée à la pelle dans de gros sacs en caoutchouc qui sont remontés grâce à un
treuil électrique.
C'est l'heure de sortir. Il me faut presque une demi-heure
pour franchir les 500 mètres qui nous séparent de l'air libre.
Ouf ! Quelle
expérience inoubliable ! Content de l'avoir fait, content aussi d'en être sorti ! Il nous faudra toute l'après-midi pour nous en remettre
... en prenant une bonne douche et en faisant une bonne sieste dans notre hôtel.
Nous sommes à la fois effrayés et admiratifs pour ces mineurs qui travaillent
dans de telles conditions et qui, tous, semblent aimer leur travail et la
solidarité qui règne dans cette profession.
1 commentaire:
Après avoir regardé à la télé "Des racines et des ailes", je lis le blog sur la visite aux
mines de Potosi. C'est vraiment plus archaîque que les mines d' anthracite que j'avais visitées autrefois à La Mure, avant qu'elles ne ferment ! Vous vous en souviendrez longtemps je pense.
Papi
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