mardi 1 avril 2014

Périple en Amérique Latine (22) : Puerto Natales et les peuples indiens de la Terre de Feu (19 janvier 2014)

C'est un dimanche très calme aujourd'hui à Puerto Natales, petite ville de 20000 habitants située au bord du Fiordo Ultima Esperanza qui communique avec l'Océan Pacifique.
51° de latitude Sud.
Un hôtel porte le nom de Charles Darwin. C'est que le célèbre naturaliste anglais passa par la Patagonie lors de son voyage sur le Beagle au cours duquel il fit des observations qui le menèrent à sa théorie de l'évolution des espèces. Autre personnalité honorée ici, le montagnard, explorateur et évangélisateur Alberto de Agostini, qui a donné son nom à la plus grande des Torres del Paine.
A part les restaurants, peu de commerces sont ouverts. Il fait gris, il y a des rafales de vent, il pleut par intermittence. De temps en temps, un tout petit rayon de soleil.
Un vrai temps d'hiver en plein été austral. Même les chiens sortent couverts ici.
Mais les pêcheurs n'hésitent pas a se mettre à l'eau pour pêcher des bars,
et les cygnes à col noir se promènent tranquillement en famille sur une mer agitée.
Notre auberge a des livres sur les peuples indiens - les Selk´Nams, les Yamanas, les Haush - qui vivaient en Terre de Feu avant l'arrivée des colons à la fin du XIXéme Siècle.
Leurs conditions de vie étaient très précaires dans ces contrées balayées par les vents, glaciales l'hiver. Ils étaient chasseurs de guanacos. Certains vivaient presque nus, quelquefois couverts de peaux de bêtes.
 Leurs cérémonies d'initiation étaient très étranges.
Dans la culture des Indiens, la propriété individuelle n'existait pas et ils se mirent à chasser les moutons des colons nouvellement installés pour se nourrir. Les missionnaires salésiens tentèrent bien la manière douce en essayant de les convertir aux valeurs de la "civilisation", sans succès. Après la carotte, le bâton. Après le goupillon, le sabre. Tous ces peuples autochtones ont disparu en un peu plus de 100 ans, victimes des massacres perpétrés par les armées chilienne et argentine, et par les milices payées par les grands propriétaires d'estancias (ramener les oreilles ou les mains d'un Selk´Nam tué rapportait 1 livre sterling), victimes aussi de l'alcoolisme et des maladies, entre autres la variole, importées par les Européens. Le dernier Indien de la Terre de Feu est mort en 1974. Un véritable génocide, analogue à tous ceux qui décimèrent la plus grande partie des Indiens d'Amérique du Nord.
A la fin du XIXème, entre 1879 et 1890, avec d'autres représentants des peuples des colonies des puissances européennes, quelques-uns de ces Indiens sont exhibés pendant les grandes expositions internationales, à Paris, Madrid, Bruxelles, Londres, Moscou et une famille amérindienne fait l'objet de la curiosité populaire au Jardin d'Acclimatation de Paris habituellement dévolu à l'exposition d'animaux sauvages.
Cependant, la South American Missionary Society demande par l'intermédiaire de l'ambassade du Chili à Paris que soit mis fin à cette démonstration portant atteinte à la dignité de ces malheureux , et ils sont renvoyés par bateau à Punta Arenas. On peut lire, à ce sujet, le livre Zoos humains, au temps des exhibitions humaines.
Tout ça fait réfléchir à la soi-disant mission civilisatrice dont se paraient tous les gouvernements "européens" (d'Europe ou d'Amérique) de l'époque, quelle que soit d'ailleurs leur couleur politique. En France, le plus farouche partisan de cette politique de colonisation était Jules Ferry, par ailleurs un grand républicain qui a promu l'éducation pour tous. Comme quoi, l'Histoire ne s'inscrit pas toujours en noir et blanc.
 

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