mardi 22 avril 2014

Périple en Amérique Latine (71) : Misión de San Ignacio Mini (9 mars 2014)

 
600 kilomètres en taxi ....c'est trop, direz-vous. Et pourtant, c'est ce que nous avons fait aujourd'hui, en allant voir une Mission jésuite. C'est une chose que nous avons ignoré dans notre programme, à tort. Alors, quand Elvir nous a proposé d'aller voir  la Misión San Ignacio Mini, la plus grande des missions argentines, nous avons tout de suite accepté. 7 missions ont été inscrites au Patrimoine de l'Humanité par l'UNESCO: 4 en Argentine, 2 au Paraguay et une au Brésil.
Voici leur histoire. Peu après la colonisation espagnole de cette vaste région habitée par les Indiens Guaranis, les autorités ecclésiastiques se soucièrent de leur évangélisation. Cela faisait suite à la Controverse de Valladolid (1550-1551) où il fut jugé par un tribunal réunissant ecclésiastiques, juristes et administrateurs du royaume d'Espagne que la colonisation était justifiée par le fait que les "sauvages" étant des hommes, il était nécessaire de se préoccuper de sauver leurs âmes et que leur conversion au christianisme devait se faire de manière pacifique. Plusieurs congrégations étaient sur les rangs, dont les Franciscains et les Jésuites. Les Franciscains avaient la faveur du Roi d'Espagne, alors que les Jésuites qui faisaient vœu d'obéir au Pape étaient expédiés par ce dernier.
N'étant pas placés sous l'autorité royale, les Jésuites étaient très libres dans leur manière de penser la colonisation. C'est ainsi que dans cette région très éloignée de tout, ils se firent leur propre idée de ce qu'ils devaient faire pour convertir les Guaranis. Ils construisirent des dizaines de "missions" - aussi appelées "réductions" -  dans ce territoire au confins des zones de colonisation espagnole et portugaise. Chaque mission était constituée d'une église, de bâtiments conventuels et d'habitations pour les prêtres, d'habitations en dur pour les Indiens regroupés par famille. Les Jésuites apprirent la langue guarani, respectèrent les coutumes et modes d'organisation politique des Indiens pour peu que ces derniers abandonnent la polygamie et le cannibalisme occasionnel qu'ils pratiquaient encore. Ils leur apprirent l'espagnol, le latin, la musique, la sculpture, l'architecture et l'agriculture, et organisèrent la vie des missions comme de petites entreprises où chacun devait travailler à la fois pour lui et pour la communauté, ce qui apportait à tous la garantie d'être nourris et protégés. Les femmes seules, les veuves, les enfants orphelins, les vieillards étaient pris en charge sur les deniers de la communauté. Toutes ces dispositions attirèrent de plus en plus d'Indiens et cela déplut fortement aux colons qui voyaient fuir leurs esclaves potentiels vers ces missions. Plusieurs fois les missions durent déménager pour échapper aux bandeirantes brésiliens qui venaient capturer des esclaves destinés aux plantations de canne à sucre. Le succès ne faisait que grandir et, à leur apogée, les missions de la région hébergeaient plus de 100 000 Guaranis. L'art baroque guarani, un mélange de ce que les Jésuites avaient enseigné, et de la culture guarani, était plein de vigueur, aussi bien pour la sculpture que la musique. Les  Jésuites eurent alors l'idée de créer une République autonome au sein des possessions du Roi d'Espagne. C'en était trop pour la Couronne d'Espagne qui décida, sous l'influence des colons, et après le Portugal et la France, d'expulser les Jésuites de ses colonies en 1767. Les Jésuites partis, et remplacés par d'autres ordres comme les Franciscains, ou bien directement par les autorités militaires espagnoles, les missions périclitèrent. Pour ceux que cette histoire intéresse, voyez le beau film Mission de Roland Joffé - avec Robert de Niro et Jeremy Irons et la musique d'Ennio Moricone - qui a reçu la Palme d'Or à Cannes en 1986. 
Après l'indépendance des pays d'Amérique Latine, lorsque les guerres firent rage entre les Etats Sud-américains, en particulier pendant la Guerre de la Triple Alliance, les missions furent saccagées. Au début du XXème Siècle, les immigrants européens qui avaient besoin de pierres pour construire leurs propres maisons finirent de mettre à bas les restes des édifices. La jungle a repris rapidement le dessus, et ce n'est que vers les années 1940 que les restes de San Ignacio Mini furent à nouveau mis au jour, puis commencèrent d'être en partie reconstruits.
On peut voir dans cette mission les bâtiments des Indiens,
les restes de l'Eglise avec de belles décorations du porche d'entrée, de la sacristie.
Aux alentours, les restes du cloître, de l'atelier, du cimetière.
Autre visite de la journée, celle de la Mine Wanda.
Dans le basalte, on trouve ici d'énormes géodes remplies de gros cristaux de quartz colorés en violet par des traces de fer: ça s'appelle des améthystes !
Dans les galeries de la mine, il y en a plein les murs.
 
C'est très impressionnant et cela fait aussi bien le bonheur des minéralogistes que celui des amateurs de pierres précieuses!
Mais Michèle préfère une bague en rhodocrosite, la "pierre nationale d'Argentine".
En chemin, un barrage sur la route. Comme d'habitude, la police nous aide à emprunter un itinéraire de remplacement. Aujourd'hui, ce sont les maîtres d'école qui bloquent la Nationale qui mène aux Chutes d'Iguaçu. Ils sont mécontents car ils veulent une augmentation de salaire de plus de 40 % ... et la rentrée scolaire qui aurait dû avoir lieu il y a plus d'une semaine n'a toujours pas eu lieu.  Il faut dire que l'inflation en Argentine atteint désormais des sommets : + 70% aux dernières nouvelles !
 

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